DAMAS
François
Étienne
Général de division (Paris 22.6.1764 - Paris 22.12.1828)
Fils d’Étienne Damas, maître menuisier, et d’Anne Élisabeth, née Courtois, frère du général François Auguste, Damas est garde national le 14 juillet 1789, aide de camp de Meusnier en septembre 1792, sous-lieutenant en octobre 1792, capitaine en février 1793. Il sert au siège de Mayence et est général de brigade le 6 décembre 1793. Le 19 novembre 1794 à Lille, il épouse Marie Colette Blondine Lauweriere qui lui donne quatre enfants, Colette Blondine, chanoinesse du chapitre de Borghorst, Cornélie, baptisée le 6 juillet 1797 à Notre-Dame de Paris, François Auguste, né le 7 mai 1809 à Düsseldorf, Napoléon Martial Félix (1811 - 1888) polytechnicien sorti de l’école militaire de Metz. À l’armée des Côtes de Brest puis à celle de Sambre-et-Meuse, Damas est chef d’état-major de Kléber en avril 1798 et part en Égypte. Avec Andréossy, il occupe en octobre 1798, la région du lac Menzaleh et est nommé provisoirement général de division par Kléber, le 1er septembre 1799. Accusé par Menou d’être responsable de la défaite de Canope le 21 mars 1801, il est arrêté par Destaing et renvoyé en France. Ses idées républicaines lui valent une nouvelle arrestation en 1804, avec Moreau. Murat le nomme commandant de la brigade du grand duché de Berg en septembre 1806. En 1812, il est au 9e Corps sous Victor et sert à l’arrière-garde durant la retraite de Russie. Général de division confirmé le 21 novembre 1813, il dirige la 12e division, sous Morand. Inspecteur général de gendarmerie en 1817, il laisse une importante correspondance dont un Registre de 194 lettres de 1799 à 1814. Il est enterré à Paris, au cimetière Montparnasse. Le nom de DAMAS est inscrit sur l'Arc de Triomphe en 1836, pilier sud, colonne 26.
Portrait du général François Étienne Damas dessiné par André Dutertre. Il fait partie des 184 portraits réalisés durant la campagne d'Égypte de 1798 à 1801.
Le registre de 194 lettres de 1799 à 1814
(Référence B6 118 au Service Historique de la Défense au château de Vincennes)
En Égypte, au Caire, le 21 septembre 1799, Damas commence à copier les lettres qu'il envoie, dans un nouveau registre ou cahier relié de 21 cm x 32 cm avec sur chaque page une marge de 4 cm et 34 lignes. Ce registre semble personnel car la première lettre adressée au général Menou est une copie extraite d'un registre général. Les lettres copiées sont des lettres de service qu'il adresse à ses chefs (13 lettres à Menou, 57 à Murat) au ministre de la Guerre (25 lettres) à Napoléon Bonaparte (15 lettres), à des militaires français, turcs ou égyptiens et anglais.
Hormis deux allusions à sa fille aînée, Colette Blondine (lettre n° 156) et à son fils Napoléon Martial Félix (lettres n° 192 et 193) les lettres traitent d'affaires militaires. Ces lettres permettent de préciser plusieurs points sur la biographie de François Étienne Damas.
■ Opposition de Damas au général Menou en Égypte
Le 1er septembre 1799, Damas est nommé général de division et chef d'état-major par le général Kléber, chef de l'armée d'Orient en Égypte. Damas se comporte comme le second de Kléber, participe aux négociations avec les Turcs, envoie des lettres de promotion aux officiers et transmets les ordres de Kléber aux généraux (lettres 1 à 20).
Lorsque Kléber est assassiné le 14 juin 1800 au Caire, il est remplacé par Menou qui n'appréciait pas particulièrement la gestion de Kléber (lettre n° 1) et par voie de conséquence l'importance qu'avait prise Damas. Assez rapidement, Menou nomme Damas commandant de la province de Beni Souef et Fayoum à 120 Km au sud du Caire (lettres n° 34, 41, 45, 50, 52). Il y remplace le général Zajaczek dit Zayonchek qui avait été rappelé au Caire le 28 août 1800.
N'étant plus chef d'état-major et n'ayant plus accès aux décisions
importantes concernant l'armée d'Égypte, Damas fait partie des généraux mécontents et qui le
manifestent : Verdier et surtout Reynier, Lanusse, Belliard. Le commissaire ordonnateur Daure et
l'aide de camp de Kléber puis de Damas, le futur général Delaitre, font très probablement aussi
partie des mécontents. Damas manifeste son opposition dans ses lettres directement à Menou, au
premier Consul Bonaparte, à ses collègues en Égypte, au général Moreau, commandant l'armée du Rhin
(lettres n° 20 à 54)
Le 21 mars 1801, la défaite de Canope ou
d'Alexandrie face au débarquement anglais est l'occasion d'une lettre à
l'adjudant commandant Duchaume, commandant militaire du Caire et très
probablement mécontent du commandement en chef de Menou (lettre n° 54).
Damas, ancien chef d'état-major y décrit bien la bataille avec les
manques de coordination entre les divisions Lanusse, Destaing et
Rampon, la lenteur des mouvements. Il présente de façon assez
humoristique la conduite de Menou : « Le Général Menou croit bien
reconnaître la position ennemie en allant jusqu'à nos avant-postes sans
dignité avec une robe de chambre et un bonnet de police dans la crainte
d'être reconnu des vedettes ennemies, et armé d'une lunette au lieu de
parcourir toute la ligne à cheval et dans le plus grand détail... Le
Général en chef... laissa le tout aller sans donner d'ordres
particuliers que celui à la cavalerie de charger... Menou ne disait
autre chose que, en avant, quand il voyait de l'infanterie, et, charger
quand c'était de la cavalerie qu'il rencontrait, il ne savait où
étaient les divisions, ni sa droite, ni sa gauche. » Cette présentation
de la façon de diriger de Menou peut même être qualifier d'humour noir
lorsque lorsque l'on sait qu'elle a coûté la vie au général Roize et à
nombre de ses cavaliers. Ce dernier s'est en effet fait répéter l'ordre
de charger et avant de conduire sa charge a dit : « On nous envoie à la
mort, marchons ! » Damas montre aussi que par son action personnelle
limitée avec la direction de deux bataillons de la 13e et deux pièces de 8,
il n'est pas raisonnable de lui attribuer la responsabilité de la
défaite de Canope :
« et voilà ce qu'on appelle trahir. »
■ Retour mouvementé d'Égypte en France
Le 19 mai 1801, Damas accompagné du commissaire ordonnateur Daure et de son aide de camp, le futur général Delaitre, est chassé d'Égypte après avoir été arrêté par Destaing. Ils embarquent sur le chebek Good Union parti de Toulon le 30 janvier 1801 et arrivé à Alexandrie le 22 février 1801 (lettre n° 50). Le chebek est un petit bateau méditerranéen très fin armé de canons et gréé en trois-mâts avec des voiles latines. Ce type de petit bateau fait partie de la « noria » organisée par la Marine nationale après la défaite navale d'Aboukir. Ces petits bateaux envoyés en ordre dispersés permettent de ravitailler l'Égypte en armes, munitions et médicaments, tout en échappant plus facilement à la surveillance anglaise.
Le Good Union commandé par le lieutenant de vaisseau
Charrier sort d'Alexandrie le 19 mai 1801. Il est arraisonné le 31 mai 1801 à 9 heures (lettre n°
80)
près de Candie ou Héraklion en
Crête, par deux bâtiments anglais, la frégate Pique commandée par le capitaine Young
et la
corvette la Déterminée commandée par le capitaine Searle.
Tous les passagers sont dépouillés
d'une grande partie de leurs biens et reviennent sur la corvette la Déterminée en baie
d'Aboukir où ils arrivent le 8 juin.
Du 8 au 15 juin ils séjournent face à Alexandrie sur le bateau de
transport Janus. Le 15 juin 1801, Damas et Daure sont transférés, sans Delaitre, sur la
frégate Penelope qui part d'Aboukir pour Minorque le 19 juin (lettres n° 55 à 66).
Arrivés près de Malte le 9 juillet 1801, Damas et Daure sont
transférés sur le brick Minorque qui quitte Malte le 9 juillet pour arriver à Livourne
le 21 juillet 1801.
Dès l'arrivée à Livourne, Damas s'empresse d'écrire au premier consul
Bonaparte pour lui signaler tous les mouvements des bateaux anglais qu'il a vus. Damas rentre à
Paris où il arrive entre le 19 et le 23 août 1801 (lettres n° 67 et 71).
■ Damas exécuteur testamentaire de Kléber
Damas chef d'état-major et ami de Kléber est désigné, en décembre 1801, comme son exécuteur testamentaire (lettre n° 73). En présence de Me Boulard, notaire rue Saint-André-des-Arts à Paris, Damas remet à François Martin Burger, seul héritier de Kléber, ce qu'il a rapporté d'Égypte et faisant partie de la succession : quelques armes et quelques effets dans une malle de linge. Par contre tout ce qui était en argent liquide ou converti en argent liquide lui a été pris par le capitaine anglais Searle, commandant la corvette la Déterminée lors de l'arraisonnement du chebek Good Union où il se trouvait (lettre n° 55 à 66).
François Martin Burger dont la résidence principale est à Strasbourg est le fils de Jean Martin Burger qui, veuf, a épousé en secondes noces Reine Borgert ou Bourgart ou Borgart, également veuve de Jean Nicolas Kléber et mère du général Jean Baptiste Kléber. François Martin Burger n'est donc pas le frère utérin de Kléber comme l'écrit Damas, mais un frère par alliance et qu'il a bien connu petit. En effet, Jean Nicolas Kléber, meurt moins de trois ans après la naissance du général, en décembre 1756, et sa veuve se remarie en 1759 lorsque Jean Baptiste Kléber a six ans. François Martin Burger et Jean Baptiste Kléber deviennent compagnons de jeux et sont ensuite tous les deux architectes.
Sabre de bataille du général Kléber qui a pu être remis par François Étienne Damas à François Martin Burger, fin 1801 à Paris.
Poignée en bois entièrement filigranée de cuivre. Monture en laiton doré ciselé. Pommeau en casque empanaché. Garde à une branche avec un médaillon à cadre perlé gravé d'un ours debout portant une clé sur les épaules (Rébus signifiant KLÉBER avec KLÉ pour clé et BER pour Bär, qui se traduit par ours, en allemand). Quillon droit enroulé vers le bas. Lame courte en damas à dos plat, contre tranchant et pans creux. Fourreau en bois recouvert de laiton à deux grandes garnitures reliées par des attelles et une crevée en cuir. La chape est à décor repoussé d'une République ornée d'une pique surmontée d'un bonnet de la Liberté garni sur le dessus de deux sabres croisés. Bouterolle richement ornée à décor d'une cuirasse et d'un casque à la Romaine, au centre d'un médaillon feuillagé, et sur la partie basse, d'attributs guerriers et révolutionnaires se terminant par des feuillages. Dard en laiton. Bon état avec traces d'usage, en grande partie dans sa dorure d'origine. - Vendu aux enchères 52 000 € le 5 juin 2011 à Fontainebleau par Jean-Pierre Osenat commissaire priseur.
■ Damas recruteur de l'armée du grand duché de Berg
Ses désaccords avec Menou en Égypte et son amitié affichée pour Moreau ne plaisent pas à Bonaparte. Damas est même arrêté en 1804 en même temps que Moreau. Sorti de retraite et d'inactivité grâce à l'intervention de Murat, Damas devient, en septembre 1806, commandant militaire du grand duché de Berg dont Murat vient d'être nommé grand duc.
Damas s'installe avec sa famille à Düsseldorf et se met rapidement à son travail qui consiste à renforcer le régiment puis les régiments du grand duché de Berg. Il écrit de nombreuses lettres à Louis Bonaparte, roi de Hollande, à Murat qui est plus occupé dans les différentes campagnes militaires que présent dans son grand duché.
Ses lettres montrent les difficultés de recrutement accompagnées de désertion et qui ne sont probablement pas très différentes de celles rencontrées en France à la même époque. Damas analyse bien la situation et reconnaît que les industries du grand duché de Berg, textiles de lin et coton à Elberfeld, dentelles à Barmen, textiles de coton à Lennep, métallurgiques à Solingen et Remscheid, attirent la main d'oeuvre et donc ne facilitent pas le recrutement.
Les difficultés économiques rencontrées avec le blocus anglais et la non-libre circulation des marchandises dans les différentes pays sous contrôle français renforcent le sentiment de rejet de l'occupant français, au départ relativement bien accepté par la population.
Enfin,
Jean Claude Beugnot, ministre des finances du grand duché de Berg
depuis 1808, établit du 1er au 15 août 1811 un bilan de l'action de
Damas que Pierre Louis Roederer, administrateur en titre du grand duché de Berg depuis le 23 septembre 1810, transmet le 22
août 1811 à Napoléon. L'armée du grand duché est prête à fournir quatre
régiments d'infanterie et autant d'artillerie, sans oublier un escadron
de cavalerie déjà déployé en Espagne, représentant un total de 8976
hommes.
■ Damas chargé de mission diplomatique du grand duché de Berg
À Berlin, en avril 1808 (lettre n° 155), Damas est chargé de
représenter les intérêts de Murat, le grand duc de Berg. Suite aux accords de Tilsit du 9 juillet
1807 et au traité de Paris du 21 janvier 1808, le grand duché de Berg est agrandi de territoires :
comté de Mark, principauté de Münster, comté de Tecklenburg, de Lingen et de Dortmund ainsi que des
droits de souveraineté sur les possessions de Bentheim et de Rheda. Le grand duché perd aussi Wesel,
rattaché au
département français de Roer.
Damas signe au nom de Murat pour prendre possession de ces nouveaux
états, avec l'intendant général Daru qui
représente Napoléon Ier.
Le grand duché de Berg perd ensuite les
territoires de Münster et ceux de l'ouest au bord de la Lippe, le 13
décembre 1810, lors du rattachement de ces territoires à l'empire
français, et reçoit comme petite compensation le pays de Recklinghausen
enlevé au duc d'Arenberg. Après la chute de l'empire, le grand duché de
Berg est attribué par le congrès de Vienne, à la Prusse.
Le grand duché de Berg entre avril 1808 et le 13 décembre 1810. Il est composé de quatre départements depuis le 14 novembre 1808 : Ems, Rhin, Ruhr et Sieg
Voici la transcription de
J'ai fait cette transcription avec l'aide de Jochem Rudersdorf JochemRudersdorf@web.de qui m'a conseillé et soutenu pour la réalisation de ce travail.
Chaque page du registre a été photographiée et peut être communiquée, sur demande à arnauld.divry@wanadoo.fr.
Hormis les personnalités inscrites sur l'Arc de Triomphe, les personnages reconnus dans ce registre font l'objet d'une note lors de leur premier signalement. Bien entendu toute information complémentaire est la bienvenue.
Enfin,
vous pouvez consulter la biographie de 1792 à 1801, rédigée par Jochem Rudersdorf sur François Etienne Damas (fichier pdf de 241 ko à télécharger) :
General
François Étienne Damas und seine Einsätze und Karriere während der
Ersten Koalitionskriegs (1792-1797) und des Ägyptenfeldzugs (1798-1801)
Portrait du général François Étienne Damas
(Gravure d'André Tardieu - Musée de l'Armée à Paris)
Portrait du général François Étienne Damas appartenant à la famille de Thézillat
Tombe du général François Étienne Damas et de son fils Napoléon Martial Félix dit Félix
au cimetière Montparanasse à Paris (originaux François de Thézillat)
Service Historique de la Défense (Château de Vincennes) : dossiers DAMAS François Étienne (7Yd612) - Armée d'Orient correspondance, registre de lettres du général DAMAS (B6-118) - GEITHER (8Yd2298) - DUCHAUME Jacques Paul (2Ye 1276(1))
J.-J. BREGEON, Kléber, Perrin, 2002
J.-L. CHAPPEY, B. GAINOT, F. LE GOFF, Atlas de l’empire napoléonien 1799 - 1815 - Ambitions et limites d’une nouvelle civilisation européenne, Paris, Éditions Autrement Collection Atlas/Mémoires, 2008
H. LAURENS, L’expédition d’Égypte, Paris, Seuil, 1997
L. REYBAUD, marquis FORCIA d'URBAN, MARCEL, A. de VAULABELLE : Histoire scientifique et militaire de l'expédition française en Égypte (10 tomes), Paris, A. J. Denain éditeur, 1830 - 1836K. SCHRÖDER, Zwischen Französischer Revolution und Preußens Gloria, Siegburg, 1989
J. TULARD : Dictionnaire Napoléon, Paris, Fayard, 1999
C.-É. VIAL, 15 août 1811 - L'apogée de l'Empire ? Paris, Perrin, 2019
E. de VILLIERS du TERRAGE : L'expédition d'Égypte – Journal d'un jeune savant engagé dans l'état-major de Bonaparte (1798-1801), Paris, Cosmopole, 2001