MIREUR
François
Général de brigade, suicidé d'une balle dans la tête (Escragnolles (Alpes Maritimes) 5.2.1770-
Damanhour (Égypte) 9.7.1798)
Fils de Pierre Mireur et de Susanne, né Maurel, Mireur est baptisé en
l'église d'Escragnolles le 9 février 1770. Son parrain est Etienne
Muraire et sa marraine,
épouse du parrain, est Catherine Mireur.
Étudiant en médecine à Montpellier en novembre 1789 puis capitaine dans la
Garde
nationale de Montpellier en 1790.
Mireur est docteur en médecine en
juin 1792. Élu lieutenant de grenadiers au 9e bataillon de fédérés en
août
1792, il contribue à faire connaître la Marseillaise.
Il sert à l'armée
du Nord en 1792-1794, à Jemmapes. Adjudant-général chef de bataillon en
mars 1794, il fait partie de l'armée de Sambre-et-Meuse, combat
au
siège de Maastricht, à la bataille de la Röer et est nommé
adjudant-général chef de brigade en juillet 1795, sous Bernadotte.
Blessé à Nassau
le 17 septembre 1795, il s'illustre dans la prise de la
redoute de Bendorf, le 2 juillet 1796. À l'armée d'Italie, il combat au
passage du Tagliamento,
le 16 mars 1797, à la prise de Gradisca le 19
mars 1797 et est chef de brigade du 19e chasseurs à cheval, le 23 mars
1797.
Général de brigade le 2 avril 1797, Mireur commande une brigade
de cavalerie dans l'expédition d'Égypte. Après le débarquement,
il
marche sur Damanhour avec la division Desaix. Arrivé à Damanhour,
Mireur s'éloigne du camp pour soit-disant essayer un cheval et se
suicide.
Napoléon Bonaparte, ayant appris le suicide de Mireur, décide
de le cacher en déclarant que Mireur a été assassiné par des Arabes
et
fait rendre les honneurs pour Mireur, tué par l'ennemi. C'est cette
version officielle qui a été inscrite dans son dossier militaire.
Bonaparte a interdit à ceux qui l'accompagnaient de faire mention de ce
suicide.
Il l'a fait pour éviter une rebellion de l'armée et faire peur
aux éventuels traînards.
Le nom MIREUR est inscrit sur l'Arc de Triomphe en 1836, pilier sud, colonne 28. Il ne fait donc pas partie des héros morts au combat
et son nom n'aurait pas dû être souligné.
Buste du général Mireur, terre cuite anonyme, Montpellier, faculté de médecine
Voir : https://napoleon.org/histoire-des-2-empires/biographies/mireur-francois-1770-1798-general-de-brigade/
Comment et quand est mort Mireur ?
« Mireur, recognizing that his carreer was over, rode out to
the desert and blew his brain out. Desvernois was in the party that
found him.
A military funeral was held for him and he was interred in the Muslim cemetery. »
« Mireur, reconnaissant que sa carrière était finie, s'en va à cheval
dans le désert et se brûle la cervelle. Desvernois était dans
l'expédition
qui l'a trouvé. Un enterrement militaire fut fait pour lui dans le cimetière musulman. »
(Juan COLE, Napoleon's Egypt - Invading the Middle East, New-York, St Martin's Griffin, 2008
« Le découragement conduit au suicide. L'exemple
le plus fameux concerne le général Mireur, même si plusieurs de ses
compagnons
le font mourir sous les coups d'une troupe d'Arabes. Pour le
futur général Desvernois, il s'est bel et bien donné la mort. »
(Jacques-Olivier Boudon, La Campagne d'Égypte, Paris, Belin Éditeur/Humensis, 2018)
Dans ses mémoires Desvernois écrit :
« Les généraux Desaix, Belliard, Mireur, Friant se récrient ; aux mêmes
souffrances physiques ils ajoutent la souffrance morale,
plus poignante encore, témoins impuissants et navrés de tant de misères !
« Comme vous, braves soldats, s'écrie avec véhémence le général Mireur, nous souffrons de la faim,
de la soif, de la fatigue et de la chaleur ; mais vous vous rappelez le proverbe : quand le vin est tiré, il faut le boire...»
À ces mots, les soldats reprennent leur gaité. « Si le vin est tiré, répondenr-ils, nous sommes pressés de le boire.
Est-il vieux ? Est-il nouveau ? Est-ce du Bordeaux, du Bourgogne ou du Champagne ? Bois toujours, il ne te grisera pas. »
Et les propos joyeux s'élèvent, provoqués par le mot de Mireur qui suffit à faire marcher la troupe jusqu'à la nuit.
¦...¦
L'armée tout entière se concentra à Damanhour ; Kléber, resté à Alexandrie pour soigner sa blessure, fut remplacé
dans le commandement de sa division par le général Dugua.
Le 11 juillet, le général en chef arriva sur les 11 heures du matin et descendit, triste et sombre, chez le cheik-el-beled ;
généraux et chefs de corps accoururent lui porter leurs compliments.
Pour ma part, j'accompagnai les chefs d'escadron Detrès et de la Salle.
Dans l'après-midi de son arrivée, le général en chef présida un conseil de guerre où tous les généraux assistèrent.
Plusieurs se plaignirent assez vivement de ce qu'aucune distribution n'avait été faite lors du débarquement au Marabout,
et que la même incurie avait valu à la division d'avant-garde une perte de plus de 1 500 hommes.
Le général Mireur, qui portait la parole, au nom se ses collègues,
s'anima de plus en plus et s'abandonna aux funestes pressentiments
qui l'agitaient à propos de l'expédition d'outre-mer dans laquelle la France venait de s'engager.
¦...¦
La courageuse et noble franchise du général Mireur, ne trouva pas
d'écho dans le conseil de guerre ; et, sans répliquer un seul mot,
le
général en chef rompit le conseil et leva la séance : il voulait
conquérir l'Égypte sur le champ.
Le général Mireur avait parlé en politique conscencieux et en homme
d'honneur dévoué à sa patrie :
il savait que le général en chef
l'estimait pour son caractère et ses talents.
Malgré tout, connaissant la susceptibilité de Bonaparte, il prévoit que
c'en était fait de sa carrière et n'attendait plus que froideurs,
contradictions, dégoûts, il monta à cheval le lendemain matin avant le
jour, s'enfonça dans le désert et se brûla la cervelle.
On a voulu dire qu'il avait été tué par les Arabes : cela n'est pas.
Avec quelques camarades, je fus à sa recherche et le trouvai étendu à terre, tenant à la main le pistolet
dont il s'était servi dans son suicide.
Son chapeau brodé, son sabre, sa montre, son argent déposaient que les Arabes n'en avaient pas même approché ;
son cheval revenu en liberté au camp en était une nouvelle preuve. »
(Albert Dufourcq, Mémoires du général Baron DESVERNOIS 1789-1815, Paris, L.C.V. Services, 2009)
Cette version du suicide selon le général Desvernois est reprise par Christian Nique, secrétaire perpétuel de l'Académie
des sciences et lettres de Montpellier (Bulletin de l'Académie des sciences, vol. 53, suppl.2 (2022))
https://www.ac-sciences-lettres-montpellier.fr/academie_edition
/fichiers_conf/NIQUE-V2-CHAMPOLLION-2022.pdf
Dans L'expédition d'Egypte d'Edouard de Villiers du Terrage, Paris, Cosmopole, 2001,
Bonaparte est dit quitter Alexandrie le 7 juillet 1798 avec tout l'état-major et une division.
Ceci est confirmé par Kléber qui écrit dans son premier carnet : Le général en chef était parti le 19 au soir,
c'est-à-dire le 7 juillet au soir (d'Alexandrie où se trouvait Kléber)
Charles Morand écrit : « L'armée partit le 19 messidor (7 juillet) se dirigeant vers Le Caire.
Le général Kleber commanda la ville d'Alexandrie. »
(Stéphane Le Couëdic, L'État-major de Kleber en Égypte 1798-1800, Paris, La Vouivre, 1997)
Dans Michel Legat, Avec Bonaparte en Orient 1798-1799 Témoignages, Bertrand Giovanangeli Éditeur, 2012,
selon témoignage de Kléber, Bonaparte parvient à El-Ramanieh le 10 juillet 1798 :
« La division Desaix, qui formait l'avant-garde, atteignit enfin El-Ramanieh sur la rive du Nil
où Bonaparte parvint lui-même le 10 juillet. De là, il écrivit au général Dugua
de précipiter son mouvement et de faire accélérer celui de la flotille. »
Bonaparte est donc passé par Damanhour entre le 8 et le 10 juillet 1798.
Extrait de Christian Audebaud, Le général de division Dugua 1744-1802 De l'Egypte à Saint-Domingue, SPM, 2007
La distance Damanhour-Ramanieh ou El-Ramanieh est d'environ 25 Km.
Quant à Dugua, « ne laissant à Rosette qu'une garnison légère, (il) reprend sa marche le 10 juillet
à deux heures du matin, tandis que Menou s'apprête à prendre le commandement de la ville
et de sa région. La progression le long du Nil s'effectue en liaison constante avec la flotille de Pérrée.
Les premières unités atteignent Rahmânyeh - la ville aux maisons curieusement construites en
brique de terre noire - le 11 juillet, à peu près en même temps que les derniers éléments
des quatre autres divisions. »
(Christian Audebaud, Le général de division Dugua 1744-1802 De l'Egypte à Saint-Domingue,
Kronos Éditions S.P.M., 2007)
Dans les états de service du général Mireur (S.H.D. 8Yd740),
il y a deux documents, l'un déclarant qu'il a été tué le 21 messidor an VI,
c'est-à-dire le 9 juillet 1798, et l'autre à la fin de l'an VI, soit le 16 septembre 1798.
La deuxième date n'est pas possible avec les témoignages précédents.
Par contre, tous les témoignages disent que Bonaparte est parti d'Alexandrie
le 7 juillet 1798 et est arrivé à Damanhour le 8 juillet,
la distance entre Alexandrie et Damanhour étant de 50 à 60 Km.
Il n'y a aucune raison pour qu'il ait attendu le 11 juillet dans l'après-midi
pour présider un conseil de guerre. Desvernois s'est trompé sur la date et c'est très
probablement le 8 juillet dans l'après-midi que Bonaparte a tenu son conseil de guerre
et donc que Mireur s'est bien suicidé le 9 juillet 1798. De plus tous les témoignages
montrent que Bonaparte a bien atteint Rahmanieh le 10 juillet 1798.
Ceci est confirmé dans le livre de Jean Tulard et Louis Garros, Napoléon au jour le jour, Paris, Tallandier, 2002
ainsi que la marche de Bonaparte, d'Alexandrie à Damanhour, dans la nuit du 7 au 8 juillet, puis
l'arrivée à Damanhour le 8 juillet à 8h.
Conclusion
Le général Mireur s'est suicidé, très tôt le matin du 9 juillet 1798
et n'a pas eu le temps de voir les Pyramides de Gizeh et le Sphinx avant son décès.
(Dessin d'Albert Brenet, peintre officiel de l'Armée,
dans Octave AUBRY, Napoléon, Paris, Société Nouvelle des Éditions G. P., Collection Super, 1961)
(retour Arc de Triomphe)