La presse en 1836 à  propos
des inscriptions sur l'Arc de Triomphe

■ Les samedi 30 juillet et dimanche 31 juillet 1836, Le Moniteur Universel n°212 et 213
publie la liste des 384 noms de héros inscrits sur l'Arc de Triomphe. Ils sont présentés en quatre groupes,
NORD, EST, SUD et OUEST et dans chaque groupe, colonne par colonne, en commençant par la gauche.
On y relève un certain nombre d'erreurs :

Pilier Nord
TRUGUET est inscrit sous le nom de HUGUET,
VILLARET Jse est inscrit simplement VILLARET,
FERRAND est inscrit sous le nom de FERRAUD,
BROUSSIER devient BROUISSIER,
MERMET devient MERMEL,
POINSOT devient PEINSOT,
PAJOL entre TESTE et CAMBRONNE manque.

Pilier Est
RICHEPANCE est inscrit sous le nom RICHEPANSE comme dans la lettre de Saint-Cyr-Nugues,
BRUYERE est inscrit sous le nom de BRUÈRE
GAUTIER devient GAUTHIER,
MARION devient MARBOT.

Pilier Sud
BRUEYS est inscrit sous le nom de BRUYES,
DUGUA devient DUGA.

Pilier Ouest
MULLER est inscrit sous le nom de MULLIER,
DECAEN devient DECAN,
CLAUZEL est inscrit sous le nom de CLAUSEL comme dans la lettre de Saint-Cyr-Nugues,
ABBÉ est inscrit sous le nom de ABBY et non ABBI, avant dêtre corrigé en ABBÉ,
JARDON devient ZARDON.

Enfin, dans cette liste, aucun des noms soulignés correspondant aux héros morts au combat n'est signalé.

Le Moniteur Universel du 30 juillet 1836 :
https://www.retronews.fr/journal/gazette-nationale-ou-le-moniteur-universel/30-juillet-1836/149/1334923/3



■ Le 4 août 1836, Le Moniteur Universel n°217 publie l'avertissement suivant :



Plusieurs réclamations sont parvenues au ministère de l'intérieur pour l'inscription sur l'arc-de-triomphe de l'Etoile
de noms de généraux qui auraient été omis.
Ces demandes vont être l'objet d'un examen, dont les résultats seront soumis incessament à M. le ministre de l'intérieur.


■ Le 1er octobre 1836, il a été enregistré depuis le 29 juillet 1836, date d'inauguration de l'Arc de Triomphe, des réclamations pour l'inscription de 64 noms, c'est-à-dire environ pour l'inscription d'un nom par jour.

■ Le 14 octobre 1836 le Figaro, dont le rédacteur en chef est Alphonse Karr, publie un article assez ironique sur toutes ces réclamations qui ne peuvent satisfaire tout le monde et qui n'ont pas de raison de s'arrêter :








A PROPOS DE L'ARC DE TRIOMPHE


  Nous ne parlerons pas de l'ignoble dentelle qui le couronne ; nous arrivons sur ce sujet en conciliateurs ; les journaux se sont remplis de réclamations ; il n'est personne qui ne demande un peu de place pour un père, pour un oncle, pour un cousin. Si l'on faisait droit à toutes ces réclamations, il faudrait ajouter un supplément à l'arc de triomphe, comme à certains journaux quand le vide les déborde. Il faudrait un autre arc de triomphe sur lequel on mettrait :

ERRATA

puis en dessous tous les noms omis.
Peut-être n'eût-on pas mal fait de faire publier d'avance par un journal officiel tous les noms destinés à cette page de pierre. Chacun eût fait ses observations, on aurait profité des bonnes et laissé de côté les mauvaises.
De même, pour le musée de Versailles, si on eût emprunté la voix de la presse pour demander des renseignements sur certains portraits qu'on ne pouvait trouver, on aurait rencontré d'immenses ressources et l'on aurait pas eu besoin de faire portraicter quelques sergents de ville, dont le visage représentera à la postérité les traits des grands hommes morts. Quelle humiliation pour les grands hommes, quelle mystification pour le public, quelle corvée pour les sergents de ville !
On n'aurait pas eu besoin d'écrire à quelques artistes : « D'après ce que disent les historiens de M***, d'après l'opinion que mes études m'ont formée sur son caractère, et la corrélation entre les qualités et les défauts de l'âme et les traits de visage, je crois que le garde municipal porteur du présent billet lui ressemble parfaitement. Faîtes le donc poser.
« N. B. M*** était brun et le garde municipal est roux ; vous tiendrez compte de cette nuance. »
Maintenant le mal est fait, les inscriptions sont terminées ; nous ne nous amuserons pas à faire des reproches, nous donnerons un moyen de sortir de l'embarras, un moyen de contenter tout le monde, de satisfaire à toutes les exigences, de répondre à toutes les réclamations. Il s'agit de trouver une petite place pour inscrire sur l'arc de l'Etoile un alphabet complet.

A, B, C, D, E, F, G, H, I, J, K, L, M, N, O, P, etc. etc.

Par ce moyen simple, peu coûteux, à la portée de toutes les fortunes et de tous les gouvernements, tous les noms possibles, toutes les gloires passées auront leur place, et chaque gloire nouvelle s'y trouvera naturellement inscrite, sans réclamations, sans travaux, sans peines, sans dépenses. Nous finissons en nous félicitant d'avoir tiré la patrie de peine, et nous croirons ce service assez récompensé, si, par l'exécution de l'expédient que nous indiquons, nous pouvons nous figurer que notre nom est mêlé à tant de noms plus ou moins glorieux, plus ou moins illustres.



■ Le 6 octobre 1836, Le siècle dont le gérant et fondateur est Armand Dutacq publie un article beaucoup plus argumenté sur les inscriptions de l'Arc de Triomphe. Il la termine par une liste de 293 noms de généraux de division dont les noms n'ont pas été inscrits sur l'Arc de Triomphe et qui pourraient être ajoutés. Cette proposition est à rapprocher des ajouts d'inscriptions qui seront faits entre 1841 et 1895 et qui comporteront 276 noms.

Parmi les 293 noms, on peut noter ceux qui seront inscrits à partir de 1841 : Alméras, Albert, Amey (Amiey), d'Anthouard, Arrighi, Aubry (Aubri), Bachelu, Berckheim, Bourke, Briche, Bordesoulle (Bordessouelle), Boyeldieu, Clément de la R., Castex, Charbonnel, Chemineau, Clarke (indiqué comme non compris !), Defrance, Dejean, Dembarrère (Dembarère), Desfourneaux, Doumerc, Dumonceau, Dumoustier, Durosnel, Dutaillis, Dériot, Drouot, Faultrier, Fiorella, Foucher, Flahaut, Friederichs, Guyot (Étienne et Claude Étienne), Girardin, Hédouville, Hamelinaye, Jacquinot, Jeanin, Kellermann, Lamartillière (Lamartelière), Lamartinière, Lazowski, Lemarois (Lemarrois), Lery, Lebrun, Lacroix, Lenoury, Latrille, L'Héritier, Lafon-Blaniac (Lafond-Blaniac), Lefol, Laplane, Levesque de La Ferrière (Laferrière-Lévêque), Lameth, Marulaz, Michel, Bailly de Monthion (Monthion), Merlin, Narbonne, Neigre, Ordener, Ornano, Pelleport, Pille, Poitevin, Puthod, Piré, Rivaud de La Raffinière (de la Raffinière), Razout, Rouyer, Ruty, Roussel d'Hurbal, Rottembourg, Saint-Germain, Saint-Laurent, Sanson, Sarrut, Seroux, Subervie, Taviel, Tharreau, Trelliard (Trelhiard), Thouvenot, Tirlet, Vignolle, Villatte (Vilatte), Vincent, Vandermaesen, Watier comte de Saint-Alphonse (Vattier Saint-Alphonse) (91 noms).

Parmi les 293 noms, on peut aussi noter les noms pour lesquels il y a eu des réclamations et qui ne seront pas inscrits sur l'Arc de Triomphe : Allix, Boucret, Chalbos, Conchy, Dupont (non compris dans les 293 noms et signalé comme non compris avec le nom de Dupont de Baylen), Fontane, Gassendi, Verdières.

Parmi les six noms choisis en 1836 par Saint-Cyr-Nugues et qui n'ont pas été retenus pour les inscriptions, on note dans la liste des 293 noms : Dubayet (Aubert-Dubayet), La Barolière (Labarollière), Labourdonnaye (La Bourdonnaye), et Lamorlière.

Parmi les 293 noms, on peut aussi noter des noms déjà inscrits en juillet 1836 : Debelle, Delaistre (Tilly), Desaix, Duroc, Foy, Lespinasse (Espinassy de L), Montrichard, Comte de Mons (Becker), Morlot, Musnier de la Converserie, Pécheux, Pajol, Soulès.

Enfin, pour obtenir les 276 noms ajoutés après 1841, d'autres généraux de division que ceux de la liste précédente, des généraux de brigade, des amiraux, des intendants généraux et des médecins seront choisis, pour la plupart par la commission présidée par Oudinot.










Arc de Triomphe de l'Etoile


Monsieur le Rédacteur,

Vétéran de l'ancienne armée, j'ai voulu d'après les annonces pompeuses du Moniteur, du village à vingt lieues de Paris où je demeure depuis 1816, venir contempler le monument élevé à la gloire des armées dans lesquelles j'ai combattu pendant vingt ans sept mois dix jours ainsi que le constate l'état de mes services arrêté par les bureaux de la guerre, visé par le conseil d'état et inséré au Bulletin des Lois n° 238 7e série.

Mais quel a été mon désappointement en voyant une partie de ce monument consacré à la paix de 1815 ! Quoi donc ? Me suis-je dit, le roi des barricades trouverait-il le souvenir de cette paix, qui nous a imposé un souverain repoussé par les efforts de deux générations consécutives de braves, digne d'être transmis à la postérité ? C'est impossible ! C'est une mystification ou aussi bien pour les hommes de juillet que pour les vétérans de la république et de l'empire ; c'est une satisfaction accordée par un ministre hypocrite aux émigrés et qui ressemble trop à la métamorphose de la colonne de la grande armée à Boulogne en ex voto pour le retour de Louis XVIII, et à l'érection de la pyramide expiatoire de Quiberon. Que dans leur bonhommie les partisans du juste-milieu estiment qu'il soit sage de respecter le traîté dicté à la France par l'Europe en colère, je le conçois ; mais qu'il faille éterniser ce pacte par un monument, voilà ce que ma raison repousse avec tous ceux qui ont encore une goutte de sang à verser pour la liberté et l'indépendance de la nation.

On m'objectera peut-être que la pensée qui a présidé à l'érection du monument serait tronquée, incomplète, si la résistance et le triomphe n'aboutissaient à la paix, base et fin de toutes les gloires ; qu'un monument ne saurait être boiteux, que l'ordonnance symétrique des décorations exige impérieusement comme la raison qu'on consacre un groupe et un bas-relief à la paix Je ne conteste assurément aucun de ces points, mais je demande si la nécessité d'achever l'arc était telle qu'on dût pour le terminer plus vite donner un démenti à l'histoire ? La paix dont nos hommes d'état sont si fiers n'est qu'une fiction usée ; la lutte qui s'est engagée en 1789 et qui a allumé la guerre en 1792 subsiste toujours entre les souverains et les peuples. On a pu croire qu'elle était terminée à la restauration, elle n'était qu'assoupie ; depuis 1830, elle s'est réveillée avec plus de force et menace de nouveau les trônes et les autels. Dans cet état de choses, mieux aurait valu, ce me semble, laisser les quatre faces de l'arc sans ornement, sauf à y faire sculpter plus tard les emblèmes et les attributs d'une paix glorieuse et plus durable que la trève de 1815.

En jetant les yeux sur les victoires inscrites dans les boucliers de l'attique, j'ai été fort étonné de ne pas voir Toulon. La reprise de cette place a eu pourtant une autre influence sur les destinées de la France que la bataille de Jemmapes : elle a révélé ce qu'on pouvait attendre de nos jeunes bataillons lorsqu'ils seraient conduits par des hommes de génie. Jemmapes nous a livré, il est vrai, les clés de Bruxelles, mais cet avantage a été suivi de trop près de l'échec de Neerwinden pour être envisagé comme une victoire décisive. Lodi est une affaire qui a fait ressortir le courage des généraux et des troupes, mais dont la perte n'eût pas entraîné l'évacuation de l'Italie par l'armée française ; quant à Esslingen, c'est une de ces boucheries à l'issue desquelles chacun des partis revendique la victoire. Enfin Somo-Sierra est un combat qui n'a pas plus avancé les choses en Espagne que la prise de Madrid, laquelle par parenthèse, n'est mentionnée nulle autre part.

Dans les quatre séries de victoires secondaires, nous avons remarqué aussi beaucoup d'omissions et d'inexactitudes. Par exemple, dans le théâtre de guerre du Nord, on a omis la capitulation de la citadelle d'Anvers, par laquelle s'ouvrit d'une manière si brillante la campagne de 1793, le déblocus de Dunkerque qui préluda à la bataille d'Houdscoote, le passage de l'Ourthe et de l'Ayvaille, la prise de Coblentz etc. ; tandis qu'on cite le combat d'Arlon qui ne fut qu'une affaire de poste sans importance et la bataille d'Amberg perdue par l'armée de Sambre-et-Meuse. Parmi les faits d'armes éclatants qui se sont passés sur le théâtre de l'est, pourquoi ne voit-on pas le combat d'Aalbeck qui compléta avec ceux de Wertingen et et de Guntzbourg, la défaite de l'armée de Mark en 1805, le combat de Laguenau où la division Klein prit 3000 Autrichiens, tandis qu'on rappelle les combats de Waloutina et de Wurschen complémentaires inévitables des journées de Smolensk et de Bautzen ? Sur le massif du sud, on cherche en vain la prise de Nice, celle de Saorgio, le passage du Pô, l'affaire de Samanhoud où Desaix décida la conquête de la Haute-Egypte, et l'on cite le combat de Bassiguano, simple reconnaissance, le passage du Mincio, véritable échauffourée, Gênes dont la défense rappelle de beaux faits d'armes, mais pas une victoire proprement dite. Dans le massif de l'Ouest, on ne voit ni la reprise de Bellegarde, ni la conquête de Figuères, qui nous mit pied en Espagne en 1794, ni la bataille de Medina del Rio Seco qui balança si utilement pour nous l'effet de la capitulation de Baylen.

Il n'y a pas plus d'exactitude dans le dénombrement des armées que dans celui des victoires ; car sans compter l'armée du Var, qui n'était en 1800 comme en 1792 que celle d'Italie, les trois armées des côtes de l'Ouest, l'armée de Hanovre qui a fait une campagne l'arme au bras, l'armée de Rome qui n'a combattu que les soldats du pape, le camp de Boulogne qui n'était qu'un simple rassemblement, la France n'a-telle pas eu sur pied, en 1793 et 94 l'armée des Vosges, en 1797, 98 et 99 l'armée d'Angleterre, en 1801, 1802, 1803 l'armée de Saint-Domingue, en 1809 l'armée des Bouches-de-l'Escaut, et à différentes époques plusieurs autres dont les travaux méritent d'être transmis à la postérité ?

Ces erreurs, ces omissions témoignent au moins du défaut de discernement, si ce n'est de l'ignorance, de ceux qui ont été chargés des inscriptions.

Mais ce qui fait monter la rage au front des vétérans, ce sont les listes des généraux placardées sur les faces intérieures des quatre massifs des petits arcs. Dans un monument élevé à la gloire des armées françaises, je m'imaginais, moi, que tout devait être emblématique, allégorique. Une sévérité mâle et bien entendue défendait d'y inscrire d'autres noms que ceux des capitaines célèbres de la vaillante armée desquels la patrie est privée. A ce titre, on n'y devait lire que les noms de Dugommier, Hoche, Marceau, Kléber, Desaix, morts au sein de la victoire ; de Jourdan, Masséna, Brune, Davoust, qui délivrèrent par de grandes batailles la France d'une invasion imminente ; de Saint-Cyr et Suchet, dont les commentaires valent les campagnes ; de Lannes et de Ney, généraux de bataille à illuminations soudaines. Lorsqu'après la révolution de 1830, on destina le Panthéon à recevoir les dépouilles mortelles de ceux qui auraient bien mérité de la patrie, on décida que nul n'y serait déposé que 10 ans après sa mort, et tout le monde applaudit à cette sage mesure. Il paraît que le ministère est d'opinion qu'une inscription sur l'Arc-de-Triomphe n'a pas pour la postérité les conséquences d'un enterrement au Panthéon ; il y a fait graver les noms de tous ses amis vivants, sans les astreindre aux formalités de la mort et du temps. A la bonne heure ! Mais ainsi combien de ses élus malgré leur illustration prématurée ne pourront se faire ouvrir plus tard les caveaux du temple ! Qui veut trop prouver, ne prouve rien. La révolution a sans doute éveillé dans l'armée des passions nobles et fières ; elle a improvisé une foule de généraux qui ont mérité en masse la reconnaissance de la nation, mais auxquels elle ne doit rien en particulier que la considération due à de bons services. J'estime qu'elle aurait acquitté plus convenablement sa dette, en mettant moins de parcimonie dans la fixation de leur retraite et en les garantissant contre les insultes que font pleuvoir sur eux de la tribune des avocats avides et jaloux, qu'en gravant leurs noms sur le marbre et la pierre.

En cherchant à deviner la pensée qui a pu déterminer ces bizarres et incohérentes inscriptions, on ne tardera pas à se convaincre qu'elles n'ont pas été arrêtées dans un but moral ou patriotique. Si le ministère qui les a ordonnées avait eu la moindre pudeur, aurait-il placé Dumouriez, Pichegru, Willot, Marmont, et ces deux autres ingrats couronnés au nombre des défenseurs de la patrie ? De même qu'il ne suffit pas d'avoir caressé dans son enfance le sein de sa mère pour être réputé bon fils, il ne faut pas s'arrêter au début trompeur de ces parricides. Or, si leurs premiers faits d'armes nous ont procuré quelques avantages, personne n'a perdu la mémoire des revers dont leurs noires trahisons ont été suivies. C'est aux rois dont ils ont épousé la querelle, augmenté le nombre des trophées, à leur élever des monuments. La France ne doit à ces enfants dénaturés que le silence et le mépris.

On n'attribuera pas non plus à un sentiment exagéré, mais réel, de reconnaissances ces nombreuses inscriptions. Elles contiennent trop de généraux vivants et obscurs, trop peu de généraux distingués, morts ou en retraite, pour avoir été dictées par un sentiment généreux et exempt de calcul. Ignorent-ils donc ceux qui les ont ordonnées, qu'on peut passer pour très habile dans une inspection, très disert dans un comité, très dévoué dans l'une ou l'autre chambre, et cependant n'être qu'un général fort pâle et d'une valeur équivoque sur le champ de bataille ? L'intention du ministère n'a pu être non plus de présenter un contrôle des généraux qui ont commandé pendant 23 ans devant l'ennemi, car ses listes ne comprennent pas le sixième de ceux qui devraient y figurer. En rappelant mes souvenirs, j'ai formé une liste aussi longue que les siennes, des généraux de division seulement qu'il a passé sous silence. Je la joins à ma lettre et m'engage à vous fournir, pour l'édification du public, dans le cas où cela vous conviendrait, une notice biographique sur la vie militaire de chacun d'eux. On verra que la plupart de ces généraux oubliés ont de plus beaux services que quantité de ceux choisis par le ministère.

Encore quelques observations.

Puisqu'on a inscrit les noms de Barbantane, de Flers, de Miranda et de Delbecq, qui n'ont eu qu'une existence éphémère en 1793 comme généraux en chef, pourquoi avoir omis ceux de Labourdonnaye, de Carteaux, de Doppet, de Daoust, connus au même titre ? Daoust a même acquis une funeste célébrité de plus que les premiers. Il a porté sa tête sur l'échafaud comme Custine, et à la même époque, pour avoir laissé échapper, dit-on, l'occasion de vaincre.

On a inscrit les généraux italiens Severoli et Bertoletti, et on a omis les généraux Pino, Mazuchelli, Palombini et Fontana qui ont toujours combattu à côté de nos légions. Une mémoire plus fidèle eut fourni l'occasion de revendiquer pour la France un nom de plus, car le général Fontana est un de ses enfants. C'est avec peine qu'on observe que les noms des généraux polonais Sokolniki et Kraezinski, ainsi que celui du général bavarois Deroi, qui mourut des suites des blessures reçues à Polotosk ne sont pas au nombre des étrangers de distinction qui ont tiré l'épée pour nous.

Du reste, il règne une telle obscurité dans les listes, qu'on est en droit de demander au gouvernement s'il a entendu inscrire le maréchal Rochambeau, à l'exclusion de son fils qui a été tué à Leipzig en 1813 ; le maréchal Kellermann ou son fils, qui décida la victoire de Marengo par une charge de cavalerie spontanée ; le général Beauharnais père ou son fils Eugène vice-roi d'Italie ; le maréchal Lefebvre ou le général Lefebvre-Desnouettes ; Boyer (Pierre) ou Boyer (Charles) ou Boyer de Rebeval ; le général Caulaincourt tué dans la grande redoute de la Moskowa, ou son frère le diplomate ; Dumas (Mathieu) le conseiller de tous les pouvoirs, ou Dumas (Alexandre), ce vaillant mulâtre ; Gouvion, tué en 1792, ou Gouvion le sénateur ; Haxo l'infatigable adversaire de Charette, ou son neveu le prisonnier de Kulm ; Lanusse l'Égyptien, ou son frère le dévôt de Besançon ; le comte Etienne Legrand, ou le général Claude-Just-Alexandre Legrand ; Morand le comte ou Morand le baron ; Muller (Léonard) ou Muller (François) ; Rivaud (Olivier) ou Rivaud jeune. Quand la patrie accorde les honneurs du triomphe, encore faut-il que les contemporains ne puissent se méprendre sur les généraux à qui ils sont décernés.

Je me résume, M. le rédacteur. L'Arc-de-Triomphe inauguré par M. Thiers, est un monument qui ment à sa destination ; il éternise le souvenir d'une paix honteuse ; il ne rappelle pas toutes les victoires qui ont illustré la période la plus brillante de notre histoire, et décerne les honneurs du triomphe, non pas seulement à des individus qui en étaient indignes, mais encore à de grands criminels.

Maintenant, si l'on me demande ce qu'il convient de faire pour rendre à l'Arc-de-Triomphe son véritable caractère, je repondrai qu'il faut : 1° enlever le groupe de gauche de la face de Neuilly, par M. Etex, ainsi qu'une partie du bas-relief qui règne dans la frise du grand entablement, et l'art n'y perdra pas grand chose ; 2° effacer tous les noms des généraux qui sont dans les quatre massifs des petits arcs, et les remplacer par les noms de victoires secondaires et de 13 à 14 généraux vraiment illustres ; 3° faire graver sur des tables d'airain qui seront placées dans la grande salle, qu'on m'a asssuré avoir été inaugurée dans le monument, des états de situation des diverses armées, aux époques les plus glorieuses de leur existence, conformes aux originaux qui sont probablement déposés au dépôt de la guerre. La confection de ces tables ne coûtera certainement pas 400 mille francs et en même temps qu'elle fera taire toutes les réclamations des amours-propres injustement froissés, elle mettra la vérité historique dans son vériable jour, en donnant, non-seulement le nom des généraux de division et de brigade, des officiers d'état-major et des chefs de corps et de détachements, mais encore le nombre et la force des corps qui entraient dans la composition de chaque armée.

Recevez, M. le Rédacteur, l'assurance etc.


Liste par ordre alphabétique des généraux de division de la République et de l'Empire dont le nom n'a pas été porté sur l'Arc-de-Triomphe de l'Etoile


Albignac (les)

Alméras

Albert

Allix

Amiey

Arçon (d')

Anthouard (d')

Arrighi

Aubri


Bachelu

Baydetanne

Balland

Barthel

Barlaure

Beaurevoir

Béguinot

Belair

Bergmayer

Berckheim

Berthelmy

Berneron

Belemont

Blondeau

Bonnaire

Borghese

Boucret

Boussard

Bourke

Briche

Bachiochi

Bordessouelle

Brun

Boyeldieu

Beaufort

Non compris le représentant Barras qui a commandé quelques jours l'armée de l'Intérieur, Bourmont le déserteur.


Caffin

Carlenc

Carle

Carnot (Feulins)

Carteaux

Careil

Castelvert

Casabianca (les)

Chabot

Chalbos

Chambarlhac

Chapsal

Charlet

Châteauneuf-Randon

Clément de la R.

Coincy

Commaire

Coppel

Cordelier

Courtot

Coustard-Saint-Lo

Castex

Charbonnel

Conchy

Casagne

Chemineau

Non compris Clarke, qui n'a commandé qu'un escadron une seule fois à l'armée du Rhin, et Canuel qui s'est deshonoré en 1815.


Delanoue

Daendels

Daoust

Davaisnes

Debelle

Debrun

Declaye

Defrance

Dejean

Delaistre (Tilly)

Dembarère

Desbureaux

Descloseaux

Desfourneaux

Despréaux

Desaix

Delaaine

Derwinther

Doppet

Doumerc

Dours

Drut

Dubayet

Dubois Crancé

Duchène

Dulaulay

Dumonceau

Dumoustier

Dumny

Duquesnoy

Duroc

Durosnel

Dutaillis

Duteil

Dietmann

Desnou

Dériot

Dessein

Desdoride

Dièche

Destournel

Dupont Chaumont

Darmagnac

Drouot

Non compris Dupont de Baylen.


Elie

Espinassy de L

Non compris Ernouf mis en jugement pour lâcheté, absous par Louis XVIII.


Faultrier

Fauret

Favart

Favereau

Foy

Fiorella

Fontane

Fontanelli

Fontbonne

Foucher

Frezia

Fraytag

Fromentin

Fournier Sarlovèse

Flahaut

Friederichs

Non compris Foissac Latour, rayé des contrôles pour avoir rendu Mantoue.


Gassendi

Gentili

Gimel

Girardon

Grillot

Guyot (les)

Garnier

Grandeau

Girardin

Gency


Hastrel

Hogendorp

Huché

Huet

Hulin

Humbert

Hédouville

Hamelinaye

Hénin


Jacob

Janssens

Jacquinot

Jeanin


Kraezinski

Kellermann

Krieg


Labarollière

Labayette

Laborde

Labourdonnaye

Lacombe St-Michel

Laclos-Chauderlos

Lamorlière

Lamartelière

Lamartinière

Lapeyrière

Laprun

Laronde

Lasacette

Laurent

Lazowski

Leblanc

Leclaire

Lemarrois

Lemonnier

Lequoy

Lery

Leval

Lhuilier

Liebert

Lebrun

Lacroix

Lenoury

Latrille

L'Héritier

Lafond-Blaniac

Lefol

Laplane

Laferrière-Lévêque

Lameth

Ledoyen

Levavasseur

Lauberdière


Macors

Macquart

Magallon-Lamorlière

Marulaz

Massin

Massol

Mauco

Mayer

Mazuchelli

Mengaud

Méquillet

Meynier

Micas

Milet-Mureau

Milet

Mons (le comte de)

Montaigu

Montigny

Montredon

Montrichard

Morlot

Motte

Mouret

Mouzin

Musnier de la Converserie

Michel

Monthion

Merlin

Non compris Monet destitué par jugement pour avoir rendu Walcheren.


Narbonne (le comte de)

Noguès

Neuwinger

Neigre

Neuhaus


Olagnier

Omoran

Ordener

Ornano

Outremont


Palombini

Pelleport

Parant

Pépinville

Pernetti

Petit-Guillaume

Pierron

Pille

Pino

Piston

Poitevin

Pommereul

Puthod

Piré

Pécheux

Pajol


Raffinière (de la)

Ravel

Razout

Renauld

Rewbell

Rivaud (les)

Robert

Robin

Roget

Rossi

Rousseau

Rouyer

Ruty

Roussel d'Hurbal

Rottembourg


Saint-Germain

Saint-Laurent

Saint-Rémy

Sanson

Sarrut

Saultre

Scherb

Seroux

Siscé-Bressolles

Silnières

Soulès

Sugny

Sokolnicki

Subervie

Sarmain


Toulongeon

Taviel

Tharreau

Thisson

Trelhiard

Tribou

Tracy

Thouvenot

Tirlet


Urtubie (d')

Vachot

Valée

Vedel

Verdières

Vidalot-Dusirat

Vignolle

Vilatte

Villemalet

Vimeux

Vincent

Vouland

Veau

Vandermaesen

Vattier Saint-Alphonse


On a inscrit le nom de Frégeville ; il y a deux généraux de ce nom. Est-ce Pierre ou Charles qu'on a voulu honorer ? Nous ferons la même question pour les noms de Corbineau et d'Haxo : qui a-t-on voulu désigner, du Corbineau mort ou du Corbineau vivant, de l'intrépide Haxo tué en Vendée, ou de son neveu l'officier de génie ?





- Figaro du 14 octobre 1836 :  https://gallica.bnf.fr/
ark:/12148/bpt6k268577n/f4.item

- Le siècle du 6 octobre 1836 : https://gallica.bnf.fr/
ark:/12148/bpt6k718413k/f3.item

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AD - septembre 2019

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