Les fidèles du général HUARD

 

 

1. Le capitaine Jean-François LEGROS (Saint-James 16.8.1762 - 25.6.1811)

Né dans le département actuel de la Manche comme HUARD, Jean-François LEGROS est le fils de François et de Marguerite née DUCHEMIN. Il est baptisé le 18 août 1762 à Beuvron-les-Monts. Il sert de mai 1778 à 1781 comme chirurgien dans la Marine Royale. Embarqué sur l'Atlas, l'Actionnaire, le Transport, l'Intéressant il obtient le grade de chirurgien en second. Il est fait prisonnier des Anglais en 1781 alors qu'il est à bord du vaisseau l'Actionnaire. Après sa libération, il est congédié en 1783. LEGROS devient ensuite capitaine d'infanterie au 2e bataillon d'Ille-et-Vilaine le 10 septembre 1791. Il est blessé à la cuisse à la bataille de Neerwinden le 18 mars 1793. Le 22 septembre 1794, il passe à la 31e demi-brigade d'infanterie de ligne qui devient la 42e demi-brigade le 20 février 1796. Après les campagnes à l'armée du Nord (1793 - 95) à celle d'Italie (1796) puis aux armées du Nord, d'Allemagne, de Batavie et du Rhin (1797 - 1800) HUARD devient son colonel le 18 mars 1800. Il ne le quitte plus que pour prendre sa retraite le 5 avril 1804 après les campagnes du Rhin, d'Helvétie et d'Italie. Il touche une retraite de 800 Francs après 23 ans 1 mois et 24 jours de service. LEGROS est un homme de confiance de HUARD : "C'est un fort bon officier et que j'estime beaucoup." C'est à lui que HUARD confie en 1801, la montre qu'il offre à sa soeur Marie-Madeleine HUARD épouse BARBOT en lui disant : "Reçois le (le capitaine LEGROS) comme tu me recevrais." (Lettre n° 2). LEGROS effectue pour cela le trajet Landau - Saint-Servan.

Montre offerte par le général HUARD à sa soeur Marie-Madeleine BARBOT (original Daniel CHABOCHE)

 

2. Le capitaine Marie Thomas HAREL (Rennes 14.7.1751 - )

Dragon au 6e régiment du 15 mars 1775 au 18 septembre 1779, il est quartier-maître du 1er bataillon d'Ille-et-Vilaine le 10 septembre 1791. HAREL est nommé lieutenant le 21 décembre 1794 puis capitaine le 20 avril 1795 à la 31e demi-brigade d'infanterie de ligne qui devient ensuite la 42e demi-brigade. Il est blessé le 10 septembre 1799 au nord de la Hollande, d'un coup de feu qui lui traverse le pied. Après la retraite de LEGROS, c'est à HAREL, plus âgé que lui de 9 ans, que HUARD confie ses missions de confiance, comme la remise d'argent à sa soeur Marie-Madeleine HUARD épouse BARBOT pour l'éducation de son fils Alexandre, en 1804 et 1805.

 

3. Le capitaine aide de camp Noël Hubert dit Nicolas COGNIARD (Arcy Ponsard 8.10.1774 - )

Né à Arcy Ponsard, commune de Reims, Noël COGNIARD est le fils d’Antoine et de Marie Anne née GUFFARD. Le 5-5-1792, il est soldat au 16e régiment d’infanterie. Ce régiment amalgamé avec le 2e bataillon d’Ille-et-Vilaine devient la 31e 1/2 brigade puis le 42e régiment de ligne. De 1792 à l’an 9, il fait partie de l’armée du Rhin puis de l’armée d’Helvétie (an 11), puis de l’armée de Naples (an 12 à 1808) puis de l’armée d’Italie, réunie à la Grande Armée (1809), puis à l’armée de « Thyrol » (1809). Sa progression est régulière : le 23-3-1794 (3 germinal an 2) il est caporal ; le 24-5-1794 (5 prairial an 2) il est caporal fourrier ; le 3-6-1799 (15 prairial an 7) il est sergent puis le 23-9-1799 (1er vendémiaire an 8) sergent-major ; le 16-9-1801 (29 fructidor an 9) il est adjudant sous-officier ; le 27-4-1802 (7 floréal an 10) il est sous-lieutenant et le 20-7-1806 lieutenant. Le 4-7-1807 il est commissionné aide de camp du général HUARD. Comme le général HUARD  le 6-7-1809, il est blessé à Wagram, d’un coup de feu dans la bouche qui lui traverse la mâchoire inférieure et la joue gauche. Le 9-7-1809 COGNIARD est nommé capitaine par l’Empereur et commissionné aide de camp capitaine. Le 20-1-1812, HUARD demande d’Udine sa nomination au grade de chef de bataillon. Après le décès de HUARD, COGNIARD reste attaché à la suite de l'état-major du 4e Corps. Il est probablement nommé chef de bataillon en 1813 (lieutenant-colonel). Noël COGNIARD, depuis sa nomination comme aide de camp du général HUARD est devenu son principal collaborateur. La lettre qu'il nous a laissée, adressée à Jean HUARD, frère du général venu en séjour à Udine en 1811 et que COGNIARD a bien sûr rencontré nous  le montre comme étant devenu un familier de la famille HUARD. Cette lettre montre aussi les préparatifs de la campagne de Russie débutée plus de 4 mois avant son déclenchement.

 

Lettre de Noël COGNIARD à Jean HUARD

 

                                                                        Royaume d’Italie, Bolzano en Tyrol le 15 février 1812

Mon cher Monsieur,

Je vous ai promis de vous écrire aussitôt mon arrivée à Bolzano quelle serait notre position et notre destination ultérieure. Les nouvelles de Bolzano sont que nous ne devons y rester que jusqu'au 25 de ce mois et que nous devons (le corps d'armée) nous rendre à Ratisbonne en Bavière où la réunion à la grande armée doit se faire et de là à Dresde en Saxe où chaque corps prendrait sa direction pour s'établir militairement en Pologne. Voilà, mon bon ami, tout ce que mes oreilles ont entendu, mais je ne puis deviner encore (je ne suis pas le seul) ce que nous deviendrons. Je passe maintenant à notre particulier :

Le général m'a paru bien chagrin de vous avoir vu si peu de temps, il a dit plus qu'il se repentait de ne pas vous avoir amené avec lui, mais ce qu'aurait-il fait ? a détruit ce regret. Nous sommes à Bolzano dans la langue allemande jusqu'aux oreilles et jusqu'aux yeux même. Le costume, les manières sont toutes différentes des italiennes, l'amabilité de ces dernières n'approche pas de celle des allemandes qui ont en général dans la société plus d'usage et sont dans leur maison bonnes femmes de ménage. Je connaissais déjà ce pays où j'ai demeuré longtemps avant d'aller en Italie. Ce fait nous devons aller au théâtre allemand qui sûrement ne vaudra pas l'italien opéra, de plus ce sera pour nous pantomime. Je suis résolu de m'appliquer à l'allemand comme vous à l'italien, mais j'irai beaucoup plus lentement par la difficulté des modes et leur prononciation. J'appelle cette langue pour nous Français, la barbare.

Bolzano, ville assez bien bâtie est dans une riche vallée qui, dans la belle saison, doit offrir par ses vignes arrangées en berceau, un coup d’œil charmant. L'Adige qui arrose les murs de la ville rend le spectacle plus beau, mais en hiver, comme nous sommes, des montagnes escarpées couvertes de neige, bordant ce joli endroit font regretter l'Italie, (non pas Udine) ; on se chauffe bien, il est vrai ; des poêles qui ressemblent à des cénotaphes et qui brûlent du matin au soir, font oublier dans les murs la rigueur du froid. J’ai passé subitement, encore moins que votre frère qui voyageait en poste, j'ai passé, dis-je, du tempéré au froid rigoureux qui m'a été bien sensible, aussi mes chaussettes ont été étrennées.

J'ai vu reparaître la tabatière, mais bien celle que je vous croyais, j'ai cru d'abord à la parenté, mais je me suis convaincu du contraire, c'est la même ; et quoiqu'en dise Aristote et la docte cabale le tabac est divin.

Adieu, mon cher ami, assez pour cette fois. A-t-on écrit à LEBLANC, je l'ignore ; on a dit à quelqu'un que je connais, qu'il était en route. Je ne croirai le tout que quand je l'embrasserai.

Je vous renouvelle, mon cher Monsieur, mes sentiments d'amitié. Ecrivez-moi, je vous prie, vous pouvez compter sur mon exactitude. Nous nous portons tous bien. Dites m'en autant de vous ; vous ne pourrez faire plus de plaisir

à votre affectionné ami

Signé COGNIARD

 

Adresse :

A Monsieur                            

Monsieur HUARD LECOINTE

chez M. B. VALLIENNE rue Barbet n° 10

                                               Paris

 

 

Les renseignements de cette page et en particulier la lettre précédente, proviennent des 306 documents du fonds HUARD - BARBOT (document n° 268), de la consultation des dossiers du capitaine Nicolas (Noël) COGNIARD (2Ye 860 1/2), du capitaine Marie Thomas HAREL (2Ye 1933 1/2), du capitaine Jean-François LEGROS (2Ye 2446 1/2) et de celle du 42e régiment d'infanterie de ligne (2Yb264) au Service Historique de la Défense au Château de Vincennes.

Page suivante : Borodino (La Moskowa)

(retour)