BORODINO ( LA MOSKOWA)

Le 7 septembre 1812, à 6 heures du matin, la bataille commence et c'est la division DELZONS dont fait partie la brigade HUARD
qui est chargée de la première attaque sur le village de Borodino. Cette opération est une diversion pour masquer l'axe principal
de l'attaque de Napoléon contre l'aile gauche russe. Les brigades HUARD et PLAUZONNE, aidées par la brume matinale,
réussissent assez facilement à occuper le village de Borodino après avoir surpris et chassé un régiment de la garde russe qui y était installé.

Contrairement aux instructions, PLAUZONNE, à la tête du 106ème régiment poursuit les Russes le long de la Kolocza.
PLAUZONNE, ancien chef d'état-major, aurait dû être plus soucieux des ordres donnés ! BARCLAY de TOLLY envoie
deux régiments de chasseurs russes, sous le contrôle du colonel VOUITCH, contre le 106ème régiment.
Dévalant les pentes, les chasseurs russes se ruent sur les Français. Le général PLAUZONNE est tué et le 106ème régiment
presque complètement détruit, malgré l'intervention du 92ème régiment dirigé par l'adjudant-commandant BOISSEROLE-BOIVILLIERS.
DELZONS, Léonard HUARD et leurs fantassins s'installent solidement dans le village de Borodino.

A 11 heures, KOUTOUZOV, avec les troupes russes de réserve, lance une contre-attaque générale.
Le 4ème corps d'Eugène de BEAUHARNAIS dont fait partie la division DELZONS est attaqué par les cavaliers des généraux
Matveï PLATOV et Fyodor OUVAROV. Les cavaliers du 1er corps de cavalerie russe, d'OUVAROV, dont le chef d'état-major
est CLAUSEWITZ, tentent sans succès de reprendre Borodino. L'attaque est très rude.
Léonard HUARD est tué à ce moment, en recevant probablement un biscaïen, boîte à mitraille tirée par une pièce d'artillerie.




Le raid de cavalerie d'Ouvarov aidé par Platov (collection particulière F.-G. HOURTOULLE, La Moskowa - Borodino La bataille des Redoutes, Paris, Histoire & Collections, 2000)



« Dans un bilan officiel dressé après la bataille, le général BASTON de LARIBOISIÈRE, inspecteur général de l'artillerie
de la Grande Armée, rapportait que les artilleurs français et alliés avaient tiré 60 000 coups de canon et que l'infanterie avait
brûlé 140 000 cartouches. En se fondant pour le côté russe sur des chiffres légèrement inférieurs - 50 000 coups de canon
et 120 000 cartouches -, on obtient pour une bataille de dix heures, une densité moyenne de 3 coups de canon par seconde
et de plus de 430 coups de fusil par minute. » (Curtis Cate La campagne de Russie)

Une certaine confusion règne alors à la tête du 4ème corps. L'état-major est encerclé par les Cosaques d'OUVAROV.
Le 84ème régiment du colonel PEGOT dont Léonard HUARD est ou était encore le chef quelques instants avant,
s'est formé en carré pour résister à la charge des Cosaques et s'ouvre devant Eugène de BEAUHARNAIS
pour se refermer aussitôt. Selon René BLEMUS, le dialogue aurait été le suivant :
« Colonel, où suis-je ? » demande le prince. Le colonel PEGOT très calme et qui commande sèchement
sa manoeuvre comme sur un terrain d'exercice, répond :
« Vous êtes au milieu du 84ème, Monseigneur, où votre Altesse est aussi en sûreté qu'au Louvre ! »
L'instant d'après, le cheval d'Eugène de BEAUHARNAIS s'effondre, tué par un projectile russe.


Extrait du tableau de la bataille de la Moskowa de Louis LEJEUNE, au château de Versailles.

Au centre, le 84ème régiment dont on voit bien les chiffres sur le drapeau.  Formé en carré, il vient de s'ouvrir
pour recevoir Eugène de BEAUHARNAIS, sur son cheval blanc.



La formation en carré d'un régiment d'infanterie est une stratégie développée par les armées de la Révolution et de l'Empire,
contre les charges de cavalerie et qui, encore une fois, fait ses preuves, mais ce n'est pas bien sûr une protection complète
surtout face à une artillerie qui ne cesse d'améliorer sa puissance de feu !

En fin de journée, c'est la victoire pour la Grande Armée. Les Russes se retirent du champ de bataille mais sans être poursuivis.
Le bilan est très lourd. Les Russes perdent 50 000 hommes, les Français 30 000 hommes dont 47 généraux.
12 généraux meurent le jour même ou dans les jours qui suivent :
von BREUNING, CAULAINCOURT, frère du grand écuyer, COMPÈRE, DAMAS,
HUARD, LANABÈRE, von LEPEL, MARION, MONTBRUN,
PLAUZONNE, ROMEUF et THARREAU.



Le colonel Jean Gaudens Claude PÉGOT

(Saint-Gaudens 6-6-1774 - Saint-Gaudens 1-4-1819)




L'officier au centre du carré du 84ème régiment et qui indique au vice-roi d'Italie Eugène de BEAUHARNAIS,
le chiffre 84 du drapeau devant lui est le colonel Jean Gaudens Claude PÉGOT.
Depuis le 19 avril 1811, il est colonel du 84ème régiment de ligne dont la devise est « un contre dix ».
Selon Émile MARCO de SAINT-HILAIRE dans Napoléon en Russie : la campagne de 1812,
la scène peinte par Louis LEJEUNE aurait eu le dialogue suivant, peu différent de celui raconté par René BLEMUS ci-dessus :

Eugène de BEAUHARNAIS  : - Où suis-je ? Quel est ce régiment ?
Son chef d'état-major DURRIEU (Antoine Simon DURRIEU, dont le nom est inscrit sur l'Arc de Triomphe,
probablement se grattant la tête sur le cheval marron derrière Eugène de BEAUHARNAIS) :
- Prince, c'est le carré du 84e commandé par PÉGOT.
Eugène : - Ah, c'est vous PÉGOT ! En ce cas je suis tranquille.
PÉGOT : - Et, vous avez raison Prince ; car votre Majesté sera parmi nous
aussi en sécurité que dans les murs de son palais à Milan.

PÉGOT sera nommé commandant de la Légion d'Honneur le 5 février 1813 puis général de brigade
à l'armée d'Italie le 1er janvier 1814. Blessé sévèrement de trois coups de feu au combat de la Surla devant Gênes le 13 avril 1814,
il combattra encore à Waterloo et sera mis en non-activité le 1er septembre 1815.

Fils de Bertrand PÉGOT et d'Antoinette née LACROIX, marié le 17 mai 1808 à Sophie PLUMAU,
Jean Gaudens Claude PÉGOT est le frère du général Guillaume Alexandre Thomas PÉGOT.
Il décédera à 44 ans des suites de ses blessures devant Gênes et laissera une veuve et trois enfants en bas âge.





Cet extrait du tableau de Louis LEJEUNE a servi de couverture au livre du
Capitaine GERVAIS, Souvenirs d'un soldat de l'Empire - À la conquête de l'Europe, Édition du Toucan / L'Artilleur, 2021



Service Historique de la Défense au château de Vincenne : dossier PÉGOT Jean Gaudens Claude (8Yd1622)

R. BLEMUS, Eugène de Beauharnais (1781-1824) - L'honneur à tout vent, Paris Éditions France-Empire, 1993

C. CATE, La campagne de Russie 22 juin-14 décembre 1812, Paris, Texto/Éditions Tallandier, 2023

E. MARCO de SAINT-HILAIRE, Napoléon en Russie : la campagne de 1812, Paris, Le Livre chez Vous, 2003

E. MARCO de SAINT-HILAIRE, Souvenirs intimes du temps de l'Empire, tome 1, Paris, Jules Fellens Éditeur, 1851


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