ROUSSEL

Jean Charles

Général de brigade, tué par accident en visitant les avant-postes français le soir après la bataille d'Ostrowno (Paris 25.9.1771 - Ostrowno (Biélorussie) 26.7.1812)

Fils de François Roussel, employé à la ferme du tabac, et de Claude, née Paris, Jean Charles Roussel est baptisé le 26 septembre 1771 en la paroisse Saint-Roch à Paris.
Caporal de canonniers au 1er bataillon de volontaires de Paris en juillet 1791, il sert à l’armée du Nord en 1792 - 1793. Sous-lieutenant en mars 1793, lieutenant en
septembre 1793, il est aide de camp provisoire du général Reneauld en novembre 1794. Capitaine en octobre 1796 il est adjoint provisoire à l'adjudant général
Partouneaux à l’armée de Rhin-et-Moselle. Le 13 septembre 1797, à Bergzabern en Allemagne, il épouse Marie Catherine Hermann qui lui donne trois fils : Charles
Aimé, né le 30 octobre 1803 à Brescia, employé au ministère de la Guerre en 1832 - 1836, Isidore Rémon, né le 12 novembre 1804 à Bologne, comptable, officier
d'administration, décédé le 20 mai 1856, Martial Bernard, né le 1er mars 1809 à Udine, brigadier dans les chasseurs à cheval. À l’armée d’Italie, Roussel est aide de
camp provisoire de Partouneaux en avril 1799, chef de bataillon en juin. Il se distingue au combat de Monte Faccio au nord-est de Gênes en décembre 1799 et est
nommé le 16 décembre chef de brigade provisoire de la 106e de ligne. Confirmé dans son grade le 17 avril 1801, Roussel sert à l’armée d’Italie de 1805 à 1809.
Général de brigade le 10 mars 1809, il combat à Sacile, à Raab et est baron de l’Empire le 6 octobre 1810 avec une dotation de 4000 Francs sur le département de
Rome. Commandant la 2e brigade de la 13e division sous Delzons, dans le 4e Corps de la Grande Armée, sous Eugène de Beauharnais, il est tué en Russie à Ostrowno,
à 22 heures, par un éclaireur français qui le prend pour un Russe. Son nom est inscrit en 1841 sur l'Arc de Triomphe à Paris, pilier est, colonne 20.






Portrait du général Jean-Charles Roussel
(Photo de Michail Odinzov Saint-Petersbourg)

                                                                                                                                                            



■ Succession hors norme de Jean Charles Roussel

Les étapes chronologiques


- 31 juillet 1812 : De Vitebsk, Napoléon accorde une pension annuelle de 3000 Francs à la veuve du général Roussel. C'est trois fois le montant habituel
  reçu par une veuve de général de brigade, à la même époque, et même deux fois celui d'une veuve de général de division. Eugène vice-roi d'Italie
 avait demandé à Napoléon une aide particulière pour la veuve du général Roussel et pour ses enfants.

- 30 août 1812 : De Viazma, Napoléon accorde une pension annuelle de 1000 Francs à la mère du général Roussel. Celle-ci est veuve et le décès de son
  mari a été inscrit à Paris, paroisse Saint-Roch, le 5 novembre 1789.

- 19 septembre 1812 : Ventes aux enchères à Moscou des biens du général Roussel ainsi que ceux des généraux Huard et Plauzonne et du colonel Demay,
  qui tous les quatre appartenaient au 4e Corps de la Grande Armée, pour un montant total de 32000 Francs dont 9000 Francs pour le général Roussel et
12036,50 Francs pour le général Huard.

- 25 septembre 1812 : De Moscou, Napoléon accorde une pension annuelle de 600 Francs à Anne Marie Aubert, veuve de François Demay, chirurgien major,
  et mère du colonel François Demay, tué à la Moskowa. Elle est née à Charmes dans les Vosges le 13 octobre 1742.

- 17 ou 18 octobre 1812 : À Moscou, Deriard, commissaire des guerres, verse le produit de la vente des biens Roussel, Huard, Plauzonne et Demay à Ballon,
payeur principal du 4e Corps, qui le transforme en traites du caissier général du trésor impérial.

- 7 août 1813 : Versement des arriérés du traitement du général Huard au compte de sa succession corespondant à trois mois sept jours (juin, juillet, août
 et sept premiers jours de septembre 1812) pour un montant de 4409,71 Francs (4499,70 Francs moins la retenue de 89,99 Francs pour les Invalides).
 Ce retard de paiement de solde est constaté au moins pour tous ceux de l'armée d'Italie dont faisaient partie les généraux Huard, Plauzonne et Roussel.

- 30 novembre 1814 : Arrêté pour le versement des arriérés du traitement du général Plauzonne au compte de sa succession (son frère Justin Laurent
 Marchand dit Martellière, intendant général) pour un montant de 3045,86 Francs (3108,02 Francs moins la retenue de 62,16 Francs pour les Invalides)
correspondant à trois mois sept jours (juin, juillet, août et sept premiers jours de septembre).

- 11 octobre 1817 : Lettre de la veuve du général Roussel pour réclamer le montant des 9000 francs de la vente des biens du général Roussel à Moscou, ainsi que
  de ce que l'armée lui devait (gratifications, traitements, etc.)

- 4 novembre 1817 : Note du ministère de la Guerre pour répondre à la baronne Roussel : Les 9000 francs ont très probablement été perdus durant la retraite de
   Russie ; quant au traitement dû au général Roussel, il est probable que les versements aient été faits d'avance en début de la campagne de Russie et que il n'y   
  a rien à espérer d'une quelconque dette de l'armée.  En regardant bien le dossier du général Roussel, il apparaît une seule dette due au général, celle d'un cheval
  perdu durant la bataille de Wagram, pour un montant estimé de 850 Francs. Cette dette sera payée lorsque l' « ordre du travail » arrivera à la lettre R où se trouve
 classé le dossier du général Roussel.

- 29 février 1820 : Arrêté du ministère de la Guerre pour un remboursement de 830 Francs aux héritiers du général Roussel correspondant à un cheval et des effets
  qu'il avait perdus le 6 juillet 1809 à la Grande Armée.

- 18 avril 1822 : Versement aux héritiers du général Huard  des arriérés de sa dotation de 4000 Francs sur le Hanovre pour un montant de 267,69 Francs.
  Un premier versement avait eu lieu le 25 novembre 1813 pour un montant de 288,29 Francs.

- 21 août 1824 : Les héritiers Huard apprennent que la baronne Roussel a pu toucher ce que lui devait le Trésor pour les biens de son mari vendus à Moscou
  le 19 septembre 1812.

- 26 août 1824 : Décès de la baronne Marie Catherine Hermann, veuve du général Roussel ; elle jouissait de sa pension annuelle de veuve de 3000 Francs
  depuis le 31 juillet 1812.

- 3 juin 1825 : Le ministère des finances informe que la somme de 12975,70 Francs provenant de la vente des biens du général Huard vendus à Moscou
   le 19 septembre 1812 est portée à la caisse des dépôts et consignations, « pour y être tenue à disposition des dits héritiers, sur la  production authentique
  de leurs droits à la succession de cet officier supérieur ».

- 25 mai 1832 : Martial Bernard Roussel, 3e fils du général Roussel, orphelin de père et de mère, 23 ans, est gratifié d'une pension annuelle de 1000 Francs,
  pour la période du 1er juillet 1827 au 1er mars 1830, date de sa majorité.

- 18 juillet 1832 : Charles Aimé Roussel, fils aîné du général Roussel, reçoit une pension annuelle de 1000 Francs, correspondant à son titre de baron,  
  dépossédé de sa dotation sur le département de Rome d'un montant de 4000 Francs. Ce titre lui avait été transmis à la mort de son père.


Marie Catherine Hermann, veuve du général Roussel a eu la chance de toucher une pension trois fois supérieure à celles des veuves des généraux de brigade tués
à la même époque. Napoléon a peut-être voulu réparer l'erreur par laquelle le général Roussel avait été tué, comme par exemple une instruction trop sévère aux
avant-postes français qu'il aurait lui-même donnée. Napoléon a en effet visité lui-même les avant-postes français le soir d'Ostrowno jusqu'à 23 heures. Les
circonstances de la mort du général Roussel, premier général français tué dans cette campagne de Russie, étaient tout-à-fait exceptionnelles comme l'était le début
de cette campagne où l'ennemi se dérobait à chaque tentative de rencontre.
Par contre, n'ayant pas touché en 1817, sous la Restauration, le solde du traitement de son mari, Marie Catherine Hermann, née Roussel ne l'a probablement jamais
touché comme cela avait pu se faire pour les héritiers du général Huard le 7 août 1813 et pour celui du général Plauzonne le 30 novembre 1814. Ce solde de
traitement du général Roussel correspondait au mois de juin et aux 26 premiers jours de juillet 1812. Avec le même traitement que celui du général Plauzonne, cela
aurait correspondu à 1723 Francs ; avec le même traitement que celui du général Huard cela aurait correspondu à 2494 Francs.


■ Inscription du nom Roussel

sur l'Arc de Triomphe après une des premières réclamations


L'Arc de Triomphe est inauguré le 29 juillet 1836. 384 noms de héros ont été inscrits à l'intérieur sur quatre tableaux de 96 noms, un sur chaque pilier. Y figurent
également 96 noms de bataille, 24 par pilier. Le nom de Roussel ne figure pas dans les 384 noms.
Charles Aimé Roussel, le fils aîné du général Roussel, employé au ministère de la Guerre, écrit le 5 juillet 1836 au Comte de Montalivet, ministre de l'Intérieur :

Paris, le 5 juillet 1836

Ministère de la Guerre Paris, le 5 juillet 1836
tampon : Intérieur 6 août 1836


Monsieur le Ministre

J'ai l'honneur de vous adresser cette lettre pour vous exprimer le désir que j'aurais de voir le nom du Général Baron Roussel, mon père, tué au combat
d'Ostrowno (Russie) le 26 juillet 1812, inscrit à côté de celui de ses compagnons d'armes sur l'arc de triomphe.
Veuillez avoir l'obligeance de me faire savoir quelles démarches je dois faire à ce sujet, je vous en serais reconnaissant.
Je suis avec le plus profond respect, Monsieur le Ministre, votre très humble et très obéissant serviteur.

Le Baron Roussel

35 rue de Londres
à M. le Minsitre de l'Intérieur




C'est l'une des premières réclamations pour l'inscription d'un nom sur l'Arc de Triomphe, avant même l'inauguration du monument.


En 1841, la commission de l'Arc de Triomphe présidée par Oudinot présente une nouvelle liste pour les noms à inscrire sur l'Arc de Triomphe. La liste presque
complète (241 noms sur 244 noms) est présentée par François Martineau des Chenez, secrétaire général au ministère de la Guerre, conseiller d'État :







La liste est divisée en six catégories classées par ordre alphabétique : les lieutenants-généraux, les maréchaux de camp de première catégorie, tués sur le champ de
bataille, les maréchaux de camp de deuxième catégorie, promus lieutenants-généraux après la fin de l'Empire, les maréchaux de camp de troisième catégorie, restés
dans leur grade, les administrateurs militaires et les chirurgiens en chef. Le nom Roussel figure dans les maréchaux de camp de première catégorie, tués sur le champ
de bataille, et celui de Roussel d'Hurbal figure dans les lieutenants-généraux.
Le maréchal Soult, ministre de la Guerre fait parvenir à Teste, ministre des Travaux Publics cette liste. Ce dernier répond le 6 août 1841 que cette liste ne lui convient
pas, qu'il ne souhaite pas une liste par grade et par ordre alphabétique, mais une liste respectant ce que Saint-Cyr-Nugues avait fait en 1836 pour les 384 premiers
noms, à savoir quatre groupes à inscrire sur les quatre piliers et respectant un ordre plus ou moins chronologique et géographique.
La commision qui reçoit ce courrier ne sait pas très bien comment y répondre. Elle adopte finalement une postion assez simple. Les noms sont classés par ordre de
nomination au grade le plus élevé dans l'armée française durant la Révolution et l'Empire, c'est-à-dire qu'aucune distinction n'est faite entre les maréchaux de camp
restés dans leur grade et ceux promus lieutenants-généraux après l'Empire.
Les noms des administrateurs militaires (ou intendants militaires) ou des chirurgiens sont placés entre ceux

des lieutenants-généraux (ou généraux de division) et ceux des maréchaux de camp (ou généraux de brigade).
La colonne 20 où est inscrit le nom Roussel respecte assez bien cet ordre avec le nom de Daru, intendant général,
séparant les noms des généraux de division au-dessus des noms des généraux de brigade.
On peut noter que les noms des généraux de brigade Coëhorn et Roussel ont été mis
au-dessus
de ceux des autres généraux de brigade. Ce type de modification existe aussi dans d'autres colonnes.
Souvent, plus les places sont hautes dans une colonne,

plus elles sont honorifiques.

                           


AUBRY général de division le 21 novembre 1812
ROUSSEL d'HURBAL général de division le 4 décembre 1812
LEPIC général de division le 9 février 1813
L'HÉRITIER général de division le 15 mars 1813
JACQUINOT général de division le 26 octobre 1813
BOURCKE général de division le 17 novembre 1813
DOMON général de division le 20 octobre 1812 à l'armée de Naples,
le 19 août 1814 mais à compter du 21 janvier 1814 à l'armée française
GIRARDIN général de division le 10 février 1814
DARU intendant général
COËHORN général de brigade le 21 mars 1807
ROUSSEL général de brigade le 10 mars 1809
GIRARD dit VIEUX général de brigade le 2 novembre 1793
GUYOT général de brigade le 24 décembre 1805
DAHLMANN général de brigade 30 décembre 1806
BRUN général de brigade le 10 février 1807
ROMEUF général de brigade le 16 janvier 1811
FRIEDERICHS général de division le 23 septembre 1812 (inscrit en 1893)









■ Réponses à deux questions sur le nom de Roussel

  Pourquoi le nom du général François Xavier Roussel n'a-t-il pas été inscrit sur l'Arc de Triomphe alors qu'il est général de division et qu'il a été tué à Heilsberg, vistoire inscrite sur l'Arc de Triomphe ? N'a-t-il pas plus de mérites que le général de brigade Jean Charles Roussel tué par erreur à Ostrowno, victoire qui n'est même pas inscrite sur l'Arc de Triomphe ?


Tout d'abord les noms des batailles inscrits en 1836 ne sont pas reliés à ceux des noms de généraux tués à ces batailles. Heilsberg a été inscrite en 1836 mais aucun des noms de généraux inscrits en 1836 ne porte celui de Roussel. En 1841, le nom d'Ostrowno a été retenu par la Commission de l'Arc de Triomphe. Mais les 72 noms de bataille retenus ont été réduits à 32 car le nombre des généraux, médecins et intendants à inscrire dépassaient largement les 128 noms prévus initialement. Ostrowno fait partie des 40 batailles sélectionnées mais qui n'ont pas été inscrites en 1841.
La Commission a retenu le nom de Jean Charles Roussel car la mort de ce général était bien connue de la majorité de ses membres. Cette nouvelle avait été diffusée largement dans toute l'Europe par le 10e bulletin de la Grande Armée, le 31 juillet 1812, de Vitebsk. Napoléon avait probablement aussi contribué à rendre célèbre cette mort par accident. Par contre François Xavier Roussel a été tué à Heilsberg le 10 juin 1807, c'est-à-dire quatre jours avant la grande victoire de Friedland qui a un peu effacé le souvenir de Heilsberg.
Pour conclure, le nom de François Xavier Roussel méritait largement d'être inscrit mais la Commission de l'Arc de Triomphe en a décidé autrement. De plus aucune réclamation connue n'a pu aider à encourager l'inscription du nom de François Xavier Roussel.

  Pourquoi le général Jean Charles Roussel est-il parfois appelé Jean Claude Roussel ?

Cela vient très probablement d'une erreur de Georges Six dans son dictionnaire biographique. Même si le dossier du général de brigade Roussel ne contient pas de copie de son acte de baptême, toutes les pièces de son dossier au château de Vincennes ne mentionnent que les prénoms Jean Charles. Aucune ne fait état des prénoms Jean Claude. De même son titre de baron de l'Empire est au nom de Jean Charles Roussel.





Première page du relevé des états du baron, général de brigade, Jean Charles Roussel
au Service Historique de la Défense à Vincennes






Extrait de l'acte de baptême d'Isidore Rémon Roussel fils du colonel Charles Roussel
(Charles est le nom usuel de Jean Charles)










Copie du bulletin de décès du général Jean Charles Roussel, tué à Ostrowno, en 1812



Courrier de Turin, Journal Politique Littéraire etc. N° 118 du vendredi 28 août 1812

D. et B. QUINTIN: Dictionnaire des colonels de Napoléon, Paris, S.P.M., 1996

G. SIX : Dictionnaire biographique des généraux et amiraux français de la Révolution et de l'Empire, Paris, G. Saffroy, 1934

J. TULARD : Napoléon et la nobesse d'Empire, Paris, Tallandier, 2001

J. TULARD, L. GARROS : Napoléon au jour le jour, Paris, Tallandier, 2002

Service Historique de la Défense (Château de Vincennes) : dossier ROUSSEL Jean Charles (8Yd 1192) - dossier HUARD (8Yd1116) - dossier PLAUZONNE
(8Yd1213) - dossier DEMAY François (2Ye carton 1110) - Inscriptions sur l'Arc de Triomphe de l'Étoile - travaux de la commission chargée d'examiner les réclamations (XEM 267)

Fonds HUARD-BARBOT, en particulier les pièces n° 36, 44, 269, 275, 284

A. D. Octobre 2018

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