Les camions à vapeur CHABOCHE 1900 - 1910
et les perspectives pour l'automobile en 1910
Le modèle de la
voiture de
commerce de 2
tonnes 20 chevaux ou camion léger, du catalogue de 1901, rencontre un
certain succès. Ce modèle s'améliore avec la création du modèle de 5
tonnes qui est plus gros et plus stable avec sa chaudière placée en
retrait du châssis avant. Il utilise depuis 1906 un nouveau moteur dit
compound comprenant deux cylindres, un de haute pression à 6-7 bars et
permettant de monter jusqu'à 16-20 bars, et un autre de basse pression
qui sert pour l'échappement jusqu'à la pression atmosphérique. Ce
modèle plus performant est fabriqué probablement de 1906 jusqu'en
1910.
Voici comment
il était présenté en 1911 :
« 5 tonnes ou les plus lourds d'entre les poids lourds »
« Une consommation d'environ 600 litres d'eau
aux 100 kilomètres ! »
Parmi les personnes qui s'occupent de locomotion utilitaire depuis suffisamment d'années, il doit y en avoir qui se souviennent des prouesses effectuées en 1900 « il y a plus de dix ans » ! par le camion à vapeur CHABOCHE. À ces époques lointaines de l'histoire de l'Automobile, se tenaient, à l'annexe de Vincennes de l'Exposition Universelle, les concours Automobiles.
Tous les jours il suivaient leurs itinéraires par les côtes abruptes du Mont-Cenis à Montmartre, la descente périlleuse de la rue Lepic et les encombrements du centre.
Le plus lourd d'entre les poids lourds, le véhicule CHABOCHE, carrossé pour la livraison des liquides en bouteilles était la providence des malheureux concurrents auxquels leur moteur manquait soudain de parole, et remorquait, infatigable, jusqu'au sommet des côtes trop fortes, le confrère à pétrole, ou électrique, au moteur asthmatique ou trop faible.
C'était l'époque héroïque, et déjà CHABOCHE était au point, et dans le véhicule à vapeur, fidèle à ses convictions, il a continué durant ces dix années à perfectionner sans relâche, pour nous donner le véhicule réellement pratique, fonctionnant au coke, dont le prix de revient en combustible arrive à une économie telle que son influence sur un budget d'exploitation est absolument insignifiant.
Le châssis exposé au dernier salon était du type courant, 5 tonnes, dans lequel s'est spécialisé cette maison. Il peut recevoir tout genre de carrosserie, plateforme avec ou sans ridelles, benne basculante, etc.
Camion à vapeur 5 tonnes CHABOCHE
Ce châssis est actionné par un moteur à vapeur à deux cylindres, à double effet compound de 30 chevaux, avec distribution par tiroirs à détente variable et permettant la marche arrière. La vapeur surchauffée est fournie par une chaudière de type semi-instantané. Le combustible employé normalement comme nous le disions plus haut, est le coke, fourni à la grille par un chargeur automatique à la volonté du conducteur. La vapeur d'échappement est presque totalement recueillie par un condenseur soufflé. Le mouvement est transmis aux roues par de fortes chaînes, les roues brevetées, en acier moulé, sont montées à billes ; leur surface de roulement est divisée en deux bandages séparés par une partie de bois debout, comprimé et armé. Cette disposition évite les dérapages et annule sensiblement l'entretien.
La dépense est particulièrement remarquable, elle ne dépasse pas, pour le coke, 0,008 F. D'autre part la réserve d'eau de 350 litres suffit pour un trajet de 50 kilomètres en charge sans réapprovisionnement.
R.L. Le Poids Lourd, 1911
Plan du châssis à vapeur CHABOCHE
Le châssis du camion à vapeur CHABOCHE
Le moteur est du type vertical ; il se dissimule habilement sous un capot que ne renierait pas la plus formaliste des voitures à essence. ce capot abrite d'ailleurs tous les organes nécessitant quelque manipulation : annexes du moteur, réservoirs de toute sorte.
Ce moteur a d'ailleurs été ingénieusement conçu : à la partie supérieure vient s'agrafer toute la tuyauterie ; le carter est formé de deux sections boulonnées, à la partie desquelles est relié tout le mécanisme moteur : vilebrequin, pistons, etc.
Cette disposition assure une réparation du moteur extrêmement aisée : la tuyauterie toute entière reste en place, indifférente au démontage : on emporte le morceau inférieur du carter avec tout le mécanisme et on répare tout à l'aise.
Extrait de Les perfectionnements automobiles en 1906 par le comte MORTIMER-MEGRET, Paris, Edition DUNOD, 1906
Affiche MILLIEQE ET LOCKERT
Original Bernadette CHAIGNET
L'affiche montre Edmond CHABOCHE devant un camion léger de 2 tonnes 20 chevaux créé en 1901 et fabriqué dans son entreprise. Le dessin est particulièrement bien fait. La tête d'Edmond CHABOCHE, déformée par rapport au corps, est très ressemblant.
La concurrence et l'évolution des camions
Un
concurrent le bordelais Valentin PURREY qui avait débuté en 1898 continuera
jusqu'en 1923. L'aspect de ses camions à vapeur
ressemble étrangement aux camions CHABOCHE.
Camion Valentin PURREY
Extrait de Les camions en 1000 photos de LECAT, LELIGNY, REYES, Paris, Éditions SOLAR, mai 2000
Camion transportant le wagon de l'armistice du 11 novembre 1918, de Rethondes jusqu'aux Invalides, le 28 avril 1921.
De même que le camion PURREY, ce camion de 1921 a un air de ressemblance avec les camions CHABOCHE.
Comme pour les autres camions de cette époque, on peut noter que les roues
ne sont pas recouvertes de pneus en caoutchouc, même plein !
Extrait de Jean des CARS Sleeping story, Julliard, 1976
Les perspectives pour l'automobile en 1910
Le marché automobile ne faisait que débuter. C'est la fin de la période artisanale et le début de l'ère industrielle.
En 1898, la France produisait
1 850 véhicules, 25 000 en 1907. Les États-Unis la surpassèrent ensuite,
mais en 1913, la France construisait 45 000 véhicules
et restait le premier exportateur d'automobiles au monde. L'entreprise
CHABOCHE elle-même aurait exporté des voitures de commerce
de 2 tonnes en Australie pour des liaisons Melbourne-Sydney.
Antoine PROST Les Français de la Belle Époque, Gallimard, 2019
Patrick FRIDENSON Histoire des usines Renault 1. Naissance de la grande entreprise, 1898-1939, Éditions du Seuil, 1972