1906 : l’automobile à vapeur, une erreur de choix technologique

 

L'évolution des véhicules à vapeur, très lente au départ, ne connut un développement rapide qu'à partir du moment où la concurrence du moteur à explosion devint évidente aux vaporistes. Il suffit, pour cela, d'évoquer les étonnantes per­formances de Léon SERPOLLET. Les premiers véhi­cules à vapeur étaient des monstres hybrides, à mi-chemin entre la diligence et la locomotive. Par leur poids et leurs dimensions, ils étaient plus proches du véhicule de transport en commun que de l'automobile. Ce fut principalement le pas­sage à la chaudière horizontale multitubulaire, remplaçant l'antique chaudière horizontale, qui permit de réduire de façon notable les dimensions des véhicules. Ces chaudières permirent également l'emploi des combustibles liquides, d'un stockage et d'une utilisation plus aisés que les combustibles solides : il s'agissait surtout d'hydrocarbures déri­vés du pétrole et, notamment, du pétrole lampant, dont l'usage se répandait en Europe pour l'éclairage.

En  ce qui concerne  le  moteur  proprement dit, l'emploi  de  pistons  fonctionnant  « à double effet » suivant l'exemple proposé par la locomotive se développa rapidement. Le système du double effet permet de faire travailler le piston de manière positive aussi bien dans un sens que dans l'autre : ainsi, chaque temps est moteur. Les groupes pro­pulseurs, généralement à deux cylindres, pouvaient facilement être logés sous le châssis, à l’horizon­tale, entre les roues. Deux cylindres étaient suf­fisants pour assurer une bonne propulsion.

Elle était possible avec les moteurs à vapeur par l'absence d'embrayage, de boîte de vitesses et le peu de refroidissement nécessaire aux cylindres, dont l'exposition à l'air libre suffisait. Il est nécessaire de préciser, pourtant, que contrai­rement à ce que l'on peut penser, l'absence de boîte de vitesses ne consistait pas, à cette époque, en un avantage certain. En effet, au début de l'automobile, il était très difficile d'imposer au conducteur le maniement répété de la boîte de vitesses. Certains constructeurs de voitures légères n'en montèrent même pas. On se contentait le plus souvent d'utiliser la boîte pour le départ et de poursuivre sa route sur le rapport supérieur, et ce, quel que soit le relief du terrain.

L'absence d'embrayage, en revanche, était bien apprécié par les chauffeurs qui, tous, déploraient la brutalité des embrayages de l'époque.

Enfin, autre avantage particulièrement en faveur de l'automobile à vapeur, à une période où les automobilistes étaient habitués à surmonter bien des vicissitudes : la voiture partait toute seule, leur épargnant des séances de manivelle longues et fas­tidieuses. Une fois la chaudière allumée, il suffisait d'attendre la mise en pression pour ouvrir la vapeur et partir. N'oublions pas que la majorité des utilisateurs ne possédaient, à l'époque, aucune connaissance mécanique, et qu'ils ne pouvaient, de plus, compter que sur eux-mêmes.

La présence d'un piston animé d'un mouvement alternatif relativement lent permettait d'utiliser les solutions les plus diverses pour la transmission du mouvement. Sur le fardier de CUGNOT, la trans­mission du mouvement à la roue avant motrice s'effectuait par l'intermédiaire d'une sorte de roue à rochet. Mais, pendant très longtemps, on se contenta de relier directement la bielle du piston à l'essieu moteur, faisant en ce cas office de vile­brequin. On ne pouvait trouver de système plus direct ou plus simple ; il était directement hérité des locomotives. Bien qu'éliminant tous les organes intermédiaires, il ne présentait pas que des avan­tages : bruyant, peu fiable, il se rompait souvent. Amédée BOLLÉE père, sur la Mancelle, proposa, en 1878, des solutions plus raffinées. Ce véhicule était équipé d'un moteur à quatre cylindres verti­caux disposés longitudinalement en porte à faux devant les roues avant. La liaison aux roues arrière s'effectuait par l'intermédiaire d'un arbre de trans­mission et d'un différentiel. Ce dernier dispositif étant exceptionnel pour l'époque, le pont arrière effectuait la transmission finale aux roues par l'intermédiaire de deux chaînes.

La transmission par chaîne fut très utilisée par les constructeurs de machines à vapeur, car l'une des plus pratiques à réaliser. Comme le moteur était presque toujours transversal dans le châssis, les vilebrequins et axes des roues arrière étaient toujours parallèles.

Les véhicules massifs des pionniers de la vapeur céderont rapidement le pas à des engins de plus en plus légers et dont les performances iront en s'améliorant de façon spectaculaire en l'espace de quelques années. En Europe, les réalisations des Français de DION, BOUTON et TRÉPARDOUX, et de SERPOLLET, seront les plus probantes. Cette dernière firme réussira à maintenir pendant des années l'automobile à vapeur à un niveau très compétitif par rapport au moteur à explosion.

L’Œuf de Pâques, la création la plus prestigieuse de Léon SERPOLLET, avait, comme nous l'avons dit, effectué le kilomètre lancé à 120,797 km/h en 1902, avec un moteur à quatre cylindres simple effet, monté horizontalement sous le châssis, et dont les bielles étaient directement reliées à l'essieu arrière. Cette disposition archaïque était imposée, sur cette voiture de course, par la nécessité de perdre le moins possible de puissance. En effet, pour les épreuves « lancées », où l'on recherchait la vitesse absolue, le pilote disposait de suffisam­ment de place pour prendre son élan et franchissait la base chronométrée à la vitesse maximale sans avoir à accélérer ou à freiner. A Nice, la prome­nade des Anglais constituait le terrain idéal pour ce genre d'exploit.

Lorsqu'en 1906 STANLEY, aux États-Unis, établit le dernier record détenu par une voiture à vapeur, le véhicule est entièrement muni d'une carrosserie aérodynamique et d'un carénage inférieur. La chaudière, de série, renforcée pour supporter une pression de 70 atmosphères, alimente un moteur à deux cylindres, qui ne pèse pas plus de 80 kilos. Sa puissance maximale devait être de 120 ch à 800 tr/mn. Très légère - elle ne pesait que 700 kilos -, cette voiture permit à Frend MARRIOTT d'atteindre 195,647 km/h. Ce record du monde devait résister 4 années.

Les deux brillantes démonstrations que nous venons de rappeler mettent en évidence le niveau élevé de perfectionnement technique qu'avait atteint la vapeur dans les premières années du siècle. Cependant, ce n'étaient que des exercices de style de la part des constructeurs de machines à vapeur. Dès que les constructeurs de moteurs à explosion, avec PANHARD et De DION-BOUTON, réussiront à mettre au point des moteurs légers, performants et d'une utilisation facile, les voitures à vapeur disparaî­tront. S'accommodant finalement mal à la grande série (car elles exigeaient une grande précision dans la fabrication et un montage très soigné), leur construction ne fut poursuivie que pendant quelques dizaines d'années, et aux États-Unis. Parmi toutes ces voitures, les DOBLE, seules, par­vinrent au stade de développement le plus évolué. Curieusement, on ne pouvait distinguer les voi­tures à vapeur des voitures à essence ; bien que le moteur fût placé sous la voiture, le capot renfer­mait généralement la chaudière, et le radiateur classique faisait office de radiateur !

 

Extrait du livre d'Enrica ACETI,  Ancêtres et vétérans, l’automobile des origines à 1914,

Paris, Éditions ATLAS, 1979

 

Edmond CHABOCHE, après l'arrêt des fabrications automobile continue à s'intéresser aux grosses voitures. En mars 1915, il achète une RENAULT 4 places 12 CV Torpédo, en remplacement de sa voiture réquisitionnée à Bordeaux en septembre 1914. En 1918, il possède une des premières RENAULT à 6 roues, ancêtre des véhicules tout-terrains. (voir page « les hommes/lettre de 1918 »). En 1925, il possède une grosse PANHARD LEVASSOR qu'il conduit avec maîtrise. Son petit-fils André l'accompagne une fois pour aller visiter son usine de fonderie MANIL, dans les Ardennes et note des pointes à 120 km/heure. La route est bien carrossée, mais ce n'est pas une autoroute !

(extrait de lettre d'André CHABOCHE du 30 mai 2002)

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