Le chauffage central par la Salamandre
Jusqu'en 1924, les ventes de la Salamandre s'établissent ainsi :
200 000 appareils vendus jusqu'en 1904, soit 10 000 par an
250 000 appareils vendus jusqu'en 1906, soit 25 000 par an en 1905 et 1906
275 000 appareils vendus jusqu'en 1908, soit 12 500 par an en 1907 et 1908
300 000 appareils vendus jusqu'en 1909, soit 25 000 par an en 1909
350 000 appareils vendus jusqu'en 1911, soit 25 000 par an en 1910 et 1911
425 000 appareils vendus jusqu'en 1915, soit 18 750 par an en moyenne en 1912, 1913, 1914 et 1915
550 000 appareils vendus jusqu'en 1924, soit 13 888 par an en moyenne sur les années 1916 à 1924
Après avoir atteint 25 000 appareils par an en 1905, 1906, 1909, 1910, 1911, les ventes diminuent et ce malgré la multiplication du nombre de modèles. La concurrence est rude (ARTHUR MARTIN - GODIN - ROSIÈRES - ELBÉ - PARDON avec le modèle le Simplex....)
Pour relancer les ventes, la Salamandre s'adapte à une possibilité de chauffage au bois (modèles B3, B4, B5 mixtes) mais ce n'est pas suffisant et en 1925, le chauffage central par la Salamandre est lancé. Le nom retenu est assez pompeux : c'est l' Hydro-Salamandre. L'idée et le nom avaient déjà été retenus en 1914 mais étaient restés en projet. Une vraie campagne publicitaire est lancée et des « lettres de clients satisfaits » sont publiées et diffusées :
Le 3 décembre 1925 Je tiens à vous dire toute ma satisfaction pour le bon rendement de la Salamandre. La consommation en charbon est relativement minime, 14 à 16 kilos par 24 heures, cependant, comme vous le savez, mon habitation est sans contiguïté et le cube à chauffer est déjà important (rez-de-chaussée 130 m3, étage 120m3) et malgré cela j'obtiens 16-17 degrés au rez-de-chaussée avec la Salamandre seule et 13-14 à l'étage avec les 2 radiateurs. Cet appareil, dont le réglage est parfait et qui permet d'obtenir une chaleur voulue, a aussi le grand avantage de se nettoyer sans salir. Il est entendu que pour vous être agréable vous pouvez sans crainte nous envoyer les personnes désireuses de voir la Salamandre fonctionner. Arthur BLOT 139, boulevard de Reims, à ROUBAIX
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Le 30 décembre 1925 Je suis très heureux de vous exprimer par écrit toute ma satisfaction, pour le montage effectué. Je constate avec plaisir que le chauffage central par la Salamandre TAM. 2. Central est tout à fait parfait. Je n'ai qu'à me louer de votre installation. Il fait maintenant chez moi très bon, la chaleur est douce et régulière, aucune odeur ne se dégage, pas de poussières, le foyer placé dans le salon est très bien en cet endroit. Quant à l'étage, la température y est aussi très satisfaisante. Comme entretien, aucun ; comme consommation 15 à 18 kilogs par 24 heures, c'est aussi très intéressant; en un mot, je vous dis encore toute ma complète satisfaction et je vous prie d'agréer, Monsieur, mes salutations distinguées. Mr CLEMENT 96, boulevard de Reims, à ROUBAIX P.S. - Je vous autorise avec plaisir à montrer cette lettre à toutes personnes qui voudraient avoir des références, et je me mettrai à leur disposition pour leur fournir renseignements et preuves à l'appui. |
L'effort commercial accompagnant ce lancement est particulièrement important et est poursuivi durant plusieurs années. Les agents et dépositaires sont 700 en 1925, plus de 1000 en 1929 et plus de 2000 en 1931. Le développement à l'étranger est particulièrement poussé vers l'Argentine puis la Turquie où sont créés des magasins de vente.
Le principe de l'Hydro-Salamandre déjà testé en 1923 est simple. Un bouilleur d'eau en acier dont le niveau doit être contrôlé est placé à l'intérieur de la Salamandre. Une circulation d'eau avec une tuyauterie montante et une tuyauterie descendante permet d'alimenter 1 à 4 petits radiateurs et même un petit ballon d'eau chaude à placer au-dessus d'un évier, d'un lavabo ou d'une baignoire.
Ce système présente deux inconvénients :
- Hormis pour les petits logements, la salamandre, même avec le plus grand modèle T.A.M.3 et D.E.C. de 130 kg est insuffisante pour assurer un vrai chauffage central.
- L'alimentation en anthracite ou en bois dans une zone d'habitation (salle à manger, salon etc. ) présente de sérieux inconvénients : poussières de charbon ou de cendres, éloignement du lieu de stockage du combustible, risque de fuite d'eau, faible autonomie....
L'intérêt de la salamandre qui est de remplacer une cheminée intérieure avec un bien meilleur rendement thermique et tout en assurant un aspect esthétique est bien moins évident lorsque la salamandre est utilisée comme chaudière de chauffage central. La campagne publicitaire spécifique pour le chauffage central par la salamandre a un peu de mal à cacher les inconvénients de ce système.
■ Publicités pour le chauffage central par la Salamandre
Publicité signée COURAU montrant que comme pour le coeur du corps humain, la salamandre ne peut faire une bonne distribution que pour 4 radiateurs assimilables aux 4 membres. Cette publicité très légèrement modifiée est parue dans le numéro 132 de La Science et la Vie de juin 1928.
Publicité montrant un intérieur tout à fait à la mode Art déco de 1925. La salamandre représentée est un modèle T.A.M.2. Les tuyaux sont apparents et débouchent dans la cheminée, ce qui est loin d'être esthétique. De plus une des propriétés de la Salamandre, d'être mobile même en fonctionnement grâce à la poignée recouverte de porcelaine, disparaît avec ce système.
Sur ce dessin faisant partie de la notice explicative du chauffage central par la Salamandre, on voit encore mieux l'aspect inesthétique de la tuyauterie. De plus le point bas étant en général la Salamandre elle-même, le robinet de vidange se trouve au niveau du plancher. On peut imaginer la vidange d'eaux sales et pleines de rouille au milieu du salon ou de la salle à manger !
Le mode d'emploi des salamandres utilisées pour le chauffage central révèlent aussi bien d'autres difficultés pour l'utilisateur. En voici le texte :
INSTRUCTIONS SPÉCIALES
CONCERNANT LES
SALAMANDRES
Modèles T.A.M. Central pour Chauffage à Eau chaude
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Lire aussi attentivement la Notice Jaune concernant les SALAMANDRES à anthracite
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MISE EN SERVICE. - La mise en service d'une installation de chauffage central par « SALAMANDRE » se fait en deux temps.
1° Remplissage de l'Installation. - Celle-ci est fréquemment reliée à la canalisation d’eau sous pression et dans ce cas il suffit, pour la remplir, d'ouvrir avec précaution le robinet d'arrêt, de façon à alimenter très doucement. Dans le cas contraire, le remplissage s'effectue en versant l'eau dans le vase d'expansion au moyen d'un récipient quelconque. Pendant cette opération, il faut avoir soin d'ouvrir tous les robinets purgeurs de l'installation ; ceux-ci sont situés, suivant les cas, soit sur les radiateurs, soit sur les tuyauteries de retour après leur passage sous parquet à la traversée des portes, soit encore (dans les chauffages d'appartement avec retour au plafond) à côté de la boîte-échangeur. Ces robinets doivent être fermés successivement lorsqu'ils cessent d'évacuer de l'air et commencent à laisser couler de l'eau. Le remplissage est terminé quand tous les robinets purgeurs ont agi et que l'excès d'eau s'écoule par le tube de trop plein du vase d'expansion.
2° Allumage. - Se fait exactement comme pour une Salamandre ordinaire, suivant les instructions de notre notice jaune.
Quelque temps après l'allumage, vérifier la purge d'air en ouvrant successivement chaque robinet purgeur jusqu'à ce qu'il laisse couler de l'eau. Compléter le remplissage de l'installation. Il est bon de purger l'air plusieurs fois pendant la première journée de marche.
RÉGLAGE. - Les portes et le cendrier de la Salamandre doivent être maintenus hermétiquement fermés. Le réglage s'obtient dans le modèle T.A.M. 2 par les valves d'admission d'air placées sur le cendrier ; dans le modèle T.A.M, 3 par l'effet de ces mêmes valves et aussi par l'ouverture ou la fermeture de deux soupapes modératrices commandées par des anneaux placés de chaque côté du cendrier. Pour ouvrir une soupape, tirer l'anneau à soi au moyen du crochet et le faire tourner d'un quart de tour pour le mettre horizontal. Pour la refermer, mettre l'anneau vertical, un ressort de rappel ramènera automatiquement la soupape à sa position de fermeture.
L'ouverture d'une soupape tend à ralentir la combustion.
ENTRETIEN - Recharger l'appareil 2 fois par 24 heures. Secouer les grilles matin, midi et soir.
Vider le cendrier une ou deux fois par jour suivant le combustible employé et de préférence au moyen de notre seau pare-poussière (voir notice spéciale)
Maintenir constant le niveau de l'eau dans l'installation. En marche normale, la dépense d'eau doit être très réduite, (½ litre par jour au maximum) ; de ce fait, on pourrait se dispenser de remplir l'installation chaque jour. Toutefois, tant qu'on n'a pas l'habitude de ce genre de chauffage, il est préférable de rétablir le niveau de l'eau tous les matins.
Si celui-ci venait à baisser d'une manière anormale, cela pourrait provenir de deux causes :
1. Il y a des fuites d'eau dans la tuyauterie : dans ce cas, prévenir l'installateur.
2. La combustion est trop vive, ce qui provoque une vaporisation (en général accompagnée de bruit) et par suite, une perte d'eau. Dans ce cas, s'assurer de la fermeture hermétique du cendrier et modérer la combustion.
Si l'on a laissé l'installation se vider d'eau par suite d'un manque de surveillance, on s'en aperçoit au bruit et au fait que les radiateurs sont froids, alors que les tuyaux de départ et de retour sont brûlants aux environs de l'appareil. Dans ce cas, commencer par modérer le feu et ne l'activer de nouveau qu'après avoir exécuté toutes les opérations de mise en route (remplissage, purge d'air), en ayant soin de verser l'eau très lentement.
Dans une installation normale et bien conduite, l'entretien se borne à l'alimentation en combustible, au vidage des cendres et 1'addition d'un peu d'eau une ou deux fois par semaine.
ARRÊT DU CHAUFFAGE. - En principe, il est préférable de ne pas vider l'eau afin d'éviter la rouille et parce que le changement d'eau fréquent pourrait amener l'entartrage des tuyaux. Cependant, si le chauffage doit être arrêté l'hiver par suite d'absence, il est prudent de vider toute l'installation, y compris les radiateurs, en prévision de la gelée.
Dès la fin de l'hiver, faire gratter et graisser le bouilleur de la Salamandre sur ses deux faces. Isoler la Salamandre de la cheminée pour éviter que l'humidité ne vienne détériorer le bouilleur, soit en enlevant la buse, soit en bouchant la sortie des gaz avec du papier.
L'entreprise CHABOCHE était aussi connue en 1903 pour ses calorifères de cave que pour ses salamandres.
Mais devant le succès des salamandres, l'activité calorifères avait été laissé de côté et il était probablement difficile de la relancer en 1925. En effet il aurait fallu investir dans des moules de fonderie, beaucoup plus gros que ceux utilisés pour fabriquer les salamandres. Les modèles des calorifères de 1903, malgré la taille importante, étaient faits en maçonnerie et seuls les tuyaux reliés par des joints étanches, étaient en fonte.
La fabrication des salamandres, déjà mise à mal par la crise de 1930, s'est complètement arrêtée entre 1940 et 1945, les Allemands ayant réquisitionné tous les approvisionnements pour la fonte : seules les réparations sont maintenues avec les pièces de rechange gardées en stock. Entre 1945 et la liquidation de l'entreprise, fin 1953 ou début 1954, des salamandres sont encore fabriquées mais en nombre réduit ; 1166 sont ainsi vendues en 1951. La perte d'activité est en partie compensée par la fabrication d'appareils électriques.
A. D. octobre 2002