Lettre du 24 février 1916
d’Edmond CHABOCHE à son fils Pierre
Mon cher enfant,
Nous avons reçu avec plaisir ta description de l’agonie du zeppelin que tu as vu tomber. Ce n’était que le prélude de la grande bataille de Verdun.
Je ne sais à l’heure où j’écris si tu es encore à St M. Je
pense plutôt qu’on vous aura utilisés pour aider tes camarades à soutenir la
lutte.
Espérons qu’avec l’aide de Dieu, vous arriverez à dominer leur désir de
vaincre par votre volonté de les refouler et de les anéantir.
A Paris, nous avons été anxieux surtout vendredi et samedi,
mais depuis on nous donne de meilleures nouvelles,
et je crois bien leur attaque
complètement ratée et après hier qu’on va en profiter pour prendre une offensive
qui ne s’arrêtera plus.
Naturellement nous allons probablement manquer de vos
nouvelles pendant quelques temps et de mon côté,
je ne pourrais plus vous
envoyer de paquets.
Quant aux permissions, je crois qu’il va falloir attendre
patiemment des jours plus propices,
nous relèverons cet ennui si ça doit avancer
la guerre.
Je reprends ma lettre interrompue hier parce que j’ai été
dérangé.
Nous allons bien ici, les grippes sont terminées ; le petit André un
peu gourmé ces temps derniers, va mieux maintenant.
Il ne manque pas de soins
car BELET est là qui connaît bien les enfants pour en avoir soigné une
ribambelle.
D’après les nouvelles ce matin, il y a accalmie sur le front de
Verdun,
je crois qu’on va dire que c’est un coup raté et s’ils recommencent, ils
auront à qui parler.
Sans trop l’espérer, nous attendons de tes nouvelles
prochainement.
En attendant, je t’embrasse bien affectueusement de la part de tous.
Henri ne parle toujours pas de sa permission. Il va bien.