Chaque fois qu'un particulier seul ou au nom d'une
société estime avoir une idée originale, la question du brevet se pose.
■ Qui dépose des brevets ?
En général, ce sont de grandes sociétés ou des particuliers au nom de grandes sociétés qui le font.
■ Pourquoi ?
Seules les
grandes sociétés sont capables de surveiller le marché national ou
international. Si une petite société ou un particulier au nom d'une
petite société dépose un brevet sans contrôle, le risque
est grand que l'idée publiée au moment du dépôt du brevet soit étudiée
par d'autres puis reprise par une grande société enfin copiée.
Le dépôt d'un brevet par une petite société ne sert souvent qu'à être
une banque de données pour de grandes sociétés. De plus, le
dépôt de brevets en France seule n'est plus possible. Le brevet est européen et le coût
est devenu beaucoup plus élevé.
■ Comment une petite société peut-elle lutter contre cet état de fait ?
Il existe, en France et au Bénélux (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg) une procédure particulière qui a été développée pour cela : c'est le pli Soleau (du nom de son inventeur Eugène SOLEAU).
Ce pli Soleau remplace
le dépôt de brevet. Comme pour le brevet, il est déposé, pour la France, à
l'Institut National de la Propriété Industrielle. Mais contrairement au brevet, son contenu reste
secret et il n'est dévoilé qu'en cas de litige. Le litige le plus fréquent
est le dépot d'un brevet par une société qui prétend être la première alors qu'une autre société
l'a déjà déposé sous couvert d'un pli Soleau. Si il y a litige, il se termine en
général par le fait que les deux sociétés sont autorisées toutes les deux à utiliser le même brevet durant la même période.
■ Pourquoi l'entreprise CHABOCHE que l'on ne peut pas considérer comme une grande entreprise a-t-elle déposé autant de brevets ?
L'entreprise CHABOCHE a effectivement déposé 78 brevets français durant son existence et
au moins 5 brevets au Royaume-Uni. Les 78 brevets sur la période
d'existence de la société CHABOCHE, de 1882 à 1952, représentent 1,1
brevet par an. C'est remarquable. Même une grande société à l'heure
actuelle tient difficilement cette cadence ! Sur les brevets
français, 29 ont été
déposés avant 1910. Le pli Soleau date de 1910 mais peut-être n'a-t-il
pas été efficace au début et surtout la procédure de dépôt n'était-elle
peut-être pas assez connue ? Enfin le dépôt de brevets au Royaume-Uni a
été fait pour deux raisons : C'est après la France, le principal marché
qui peut, en plus, être étendu au Commonwealth. Les brevets anglais avaient
probablement plus de valeur que les brevets français, le Royaume-Uni
étant à cette époque la principale puissance économique mondiale.
■ Un nom déposé est-il relié à un brevet ?
En général oui, mais ce n'est pas toujours le cas : on peut
déposer un nom de marque sans prendre de brevet. Mais comme les
brevets, les noms déposés le sont, en France, à l'Institut National de
la Propriété Industrielle (I.N.P.I.). Le nom la salamandre
est un nom qui
a été déposé par Edmond CHABOCHE le 6 mai 1898 pour quinze ans
reconductibles en 1913 puis probablement en 1928 pour une plus longue période
ultérieure. Mais la fin de validité de ce
nom déposé, n'est pas connue. Peut-être même est-il encore valide ou en
sommeil ? Cela dépend de comment Edmond CHABOCHE ou ses fils ont
souscrit le ou les dernier(s) contrat(s) pour
déposer à nouveau ce nom ou pour le reconduire (voir la page la marque La Salamandre) !
■ Quelle est la durée de validité d'un brevet ?
Elle est actuellement de 20 ans mais elle n'était que de 15 ans en 1885.
■ Peut-on prolonger cette durée ?
On peut ajouter un ou des additifs au brevet ce qui peut prolonger
d'autant la durée correspondante entre la date de dépôt et celle de l'additif mais
le brevet peut plus facilement être contesté si cela ne concerne
pas l'additif. Ainsi le brevet pour la salamandre premier modèle a été
déposé le 30 juin 1885. Il a été valide jusqu'au 30 juin 1900. Trois
additifs ont pu être déposés. Le premier l'a été le 9 juin 1886 ce
qui a pu reporter la date de validité du brevet initial au 9 juin 1901.
Deux autres additifs ont été déposés le 7 mai 1888 et le 22 septembre
1888, ce qui a pu reporter la date finale de validité du brevet initial au 22
septembre 1903.
■ Comment reconnaître une copie ?
C'est théoriquement assez simple. Il suffit pour cela de comparer les revendications. Mais il est encore plus simple de comparer les dates de dépôts.
Nous prendrons un exemple qui nous intéresse pour les salamandres et poêles similaires.
salamandre CHABOCHE (premier modèle) breveté le 30 juin 1885
poêle Foyer Fumivore Joseph HINSTIN breveté S.G.D.G.
Poêle FV GROSSOT breveté S.G.D.G.
Pour ces trois poêles présentant de grandes ressemblances et tous trois brevetés,
même sans lire les contenus des revendications, la réponse est simple :
le brevet CHABOCHE est de 1885, celui de Joseph HINSTIN de 1894
et celui de François-Virgile GROSSOT de 1904.
On peut donc conclure que c'est bien la salamandre CHABOCHE qui a été copiée.
■ Peut-on utiliser un brevet qui est tombé en désuétude ?
Si une
société voit ses brevets
tombés en désuétude et pire si cette société est en plus en faillite ou en liquidation,
n'importe quelle autre société pourra reprendre à son compte ces brevets tombés en désuétude. Mais si elle veut commencer ou
reprendre des
fabrications conformes à ces brevets, à son compte, elle aura intérêt à
déposer de nouveaux brevets de peur qu'une troisième société ne vienne
fabriquer ces mêmes articles et déposer des brevets lui interdisant de continuer.
■ Pourquoi, par exemple, la société espagnole LACUNZA
qui a repris la fabrication de poêles ressemblant à s'y méprendre aux
salamandres CHABOCHE, en particulier aux salamandres Renaissance,
modèle 1935-1936, ne l'annonce-telle pas, alors que leur fabrication
a débuté longtemps après la liquidation de l'entreprise CHABOCHE mais
cependant peut-être moins
longtemps après la fin de la validité des brevets CHABOCHE ?
C'est difficilement explicable en France, mais si LACUNZA
n'annonce pas ce lien, c'est peut-être
parce qu'il existe une réglementation en Espagne qui obligerait une
société
reprenant à son compte des fabrications disparues, à verser des
dédommagements aux héritiers de la société qui fabriquait ces
dits objets disparus ou à leur verser une partie des royalties. En
tout cas, cette société LACUNZA ne mentionne nulle part dans ses
catalogues et fiches techniques la relation avec la société CHABOCHE.
Elle n'a pas non plus utilisé le nom salamandre dont le nom déposé en
1898 est peut-être encore valide ou mis en sommeil. Elle a même dans
sa gamme, en dehors des
poêles salamandra
(et non salamandres) ressemblant à des salamandre, des poêles
dits FRANKLIN, ce qui a pu conduire certains et bien évidemment LACUNZA (!) à faire l'erreur de
croire que
Benjamin FRANKLIN était l'inventeur à l'origine de la salamandre et non
Edmond CHABOCHE. Tout ceci a peut-être été fait pour éviter de répondre
à des questions embarrassantes sur la ressemblance de certains de leurs produits avec des
salamandres CHABOCHE.
■ Pourquoi a-t-on pu considérer que la salamandre ait pu être inventé par Benjamin FRANKLIN ?
Benjamin FRANKLIN a fait de nombreuses découvertes sur les
phénomènes électriques et en particulier sur le paratonnerre et aurait
amélioré un type de poêle métallique mais il a décidé pour le « bien
de l'humanité » de ne pas déposer de brevet. Le premier brevet connu
sur les poêles est celui de GODIN en 1840 qui est le premier à proposer
un poêle en fonte qui peut être émaillée. GODIN est même devenu le
leader mondial du poêle en
fonte. Avant lui, tous les poêles étaient métalliques ou en
céramique mais, à notre connaissance, il n'existe aucun brevet sur un
quelconque poêle antérieur à celui de GODIN. Alors dire que la
salamandre ait pu être inventée par Benjamin FRANKLIN n'est pas
crédible. Pourquoi lui et pas tous les autres avant GODIN et même
pourquoi pas GODIN qui ferait un meilleur candidat ? De plus le nom
salamandre® est un nom déposé en 1898 et reconduit, alors qu'il n'a pas même été
imaginé par Benjamin Franklin !
Le site Wikipedia sur la salamandre indique que l'invention de Benjamin
FRANKLIN date de 1743 et s'appuie sur la photo d'un poêle imitant
grossièrement une salamandre CHABOCHE T.A.M. 3, créée en 1926, mais
sans
la salamandre représentée au-dessus de la porte ; il est fabriqué par LACUNZA
et
annoncé inventé par FRANKLIN en 1742 (erreur par rapport à 1743 ?! ) :
(original France-Muriel BLANCHE, née CHABOCHE)
Salamandre CHABOCHE T.A.M.3, brevetée et fabriquée entre 1926 et 1940 et sur demande de 1945 à 1953.
(brevets français n°586341 du 29 novembre 1923 - n°709454 du 19 avril 1930
- n° 709467 du 17 avril 1930 - n°746777 du 25 février 1932)
Le poêle LACUNZA précédent est une très grossière copie de cette salamandre T.A.M.3.
Les différences principales sont :
-1 - pas de mobilité avec trois roues métalliques sous l'appareil (ou invisibles ?)
- 2 - poignées métalliques au lieu de poignées en céramique
(mais l'option métallique a aussi existé chez CHABOCHE)
- 3 - pas de représentation de l'animal salamandre sur le haut de la porte,
remplacé par une plaque ovale nickelée et marquée ISTILAR
- 4 - dessin géométrique dans les coins alors qu'il n'y en a pas dans le modèle T.A.M.3
- 5 - pas de bouton poussoir sous la poignée du cendrier, remplacé par un simple relief,
peut-être pour être un peu plus ressemblant à l'original (!),
ce qui voudrait aussi dire que ce modèle n'est pas mobile sur trois roues,
ce qui est totalement absurde.
À quoi servirait donc la poignée du haut, si ce poêle n'est pas mobile ?!
Enfin, contrairement au modèle ci-dessous, ce poêle ne figure pas au catalogue LACUNZA ;
il est peut-être disponible sur demande particulière ou alors plus probablement
et contrairement au poêle ci-dessous. c'est un modèle artificiel et factice
pour tromper celui qui recherche une vraie salamandre CHABOCHE ! !
Ce serait une preuve d'un non-respect de la marque La Salamandre.
Copie frauduleuse LACUNZA de la salamandre Renaissance 1935-1936
Salamandre Renaissance variante 1935-1936
Par rapport à la salamandre Renaissance, la copie frauduleuse de LACUNZA au-dessus
est encore plus troublante car elle ne respecte absolument pas la marque déposée.
Les différences principales sont:
-1 - pas de poignées recouvertes de céramique, ni au-dessus du poêle, ni au niveau du cendrier
-2 - la fenêtre à micas a 12 carreaux au lieu de 8, ce qui est particulièrement inesthétique.
- 3 - les micas ont été remplacés par des carreaux en vitro-céramique de type PYREX ®.
Cette copie frauduleuse utilise le symbole de la salamandre crachant du feu vers l'arrière,
dans la même position mais avec un graphisme moins évolué.
Ce serait une preuve du non-respect de la marque déposée.
(marque déposée : voir la page La marque la Salamandre).
Tout le reste du décor est très voisin de celui de la salamandre Renaissance de 1935-1936.
Il faut comparer les deux photos pour trouver d'infimes différences,
comme dans le jeu des sept erreurs.
Le site s'appuie aussi sur une autre photo d'un insert qui n'a aucune caractéristique particulière.
Il est ouvert et date
de 1795 (erreur par rapport à 1743 ? !),
soit cinq ans après la mort de Benjamin FRANKLIN :
Or ce type d'insert n'est qu'un simple
revêtement intérieur de cheminée ouverte alors que les salamandres sont
fermées et étanches,
et ne diffusent les gaz d'échappement que par un conduit à
l'arrière de
l'appareil après avoir subi une seconde combustion,
ce qui est beaucoup plus élaboré.
Ce type d'insert ouvert existait déjà du temps des
Romains, à Pompéi,
soit plus de 1 700 ans avant Benjamin FRANKLIN qui,
de plus, n'a jamais utilisé le nom salamandre ® pour ses poêles !
Original Julien BLANC
Poêles dits de type FRANKLIN
Et enfin, ces poêles dits de type FRANKLIN qui, ne sont pas et
n'ont pas été fabriqués par LACUNZA, sont superbes, surtout le second,
mais il est difficile d'y trouver une ressemblance avec une salamandre
dont une des principales revendications du premier brevet est
d'être mobile sur trois roues métalliques !
LES DIFFÉRENTES ÉTAPES DU MARCHÉ DES SALAMANDRES
À partir de la date de dépôt du brevet sur la salamandre premier modèle, on peut définir quatre périodes de marché :
- la période 1885-1900
- la période 1900-1914
- la période 1914-1925
- la période 1925-1953
■ La période 1885-1900
C'est la période la plus faste de la salamandre. Elle n'a
aucun concurrent réel. Les poêles Joseph HINSTIN et FV GROSSOT qui
ressemblent à la salamandre premier modèle ne sont pas des concurrents
sérieux de la salamandre qui est produite à 150 000 exemplaires sur un
seul modèle. Dès le départ, elle se vend bien, en France et à l'export.
C'est durant cette période que les profits sont les plus élevés. C'est
aussi durant cette période que la société CHABOCHE impose une sortie
normalisée des gaz d'échappement de la salamandre, avec une section en forme d'oblong, obligeant d'éventuels concurrents à
s'adapter à cette sortie normalisée, ce que n'ont pas fait ni Joseph
HINSTIN ni François-Virgile GROSSOT. La salamandre premier modèle a été dessiné par un artiste,
Gustave CHÉRET, et elle est la seule représentante significative de cette période :
■ La période 1900-1914
1900 correspond à la fin de validité du brevet sur la salamandre et
donc à l'ouverture à la concurrence. Pour répondre à cette nouvelle
contrainte, Edmond CHABOCHE invente de nouveaux modèles de salamandre :
la salamandre Renaissance et la salamandre Louis XV en 1900 suivies des
salamandres Louis XVI en 1906 et des modèles Anglais et Glycine en
1913. La production augmente et se situe à 250 000 exemplaires pour la
période 1900-1914. Par contre les profits baissent car la concurrence
se fait rude dès le départ.
C'est durant cette période que se développe le plus grand nombre de modèles
concurrents ressemblant surtout à la salamandre Renaissance, au point
que la salamandre Renaissance est devenue elle-même le modèle de la
salamandre et du poêle concurrent. On dit « une salamandre » qui est devenue un nom commun pour un poêle, même si ce
poêle n'est ni une fabrication CHABOCHE, ni un poêle ressemblant à une
salamandre Renaissance !
La
période débutant en 1900 est celle de l'Art nouveau et on retrouve ce
style dans nombre de salamandres et de poêles concurrents. Le meilleur
représentant de cette période est le poêle Le Rêve de la Poêlerie de Couvin en Belgique :
■ La période 1914-1925
1914-1918 correspond à la première guerre mondiale et à une
catastrophe pour le marché des salamandres et des poêles concurrents.
En effet toutes les pièces en fonte de ces salamandres et poêles se
situent dans les Ardennes françaises et belges, en zone occupée par les
Allemands. Hormis PARDON qui a ses fonderies en région parisienne, tous
les autres fabricants sont privés de leur source d'approvisionnement.
De plus en 1918, lorsque cette zone est libérée, on note que le pillage
des usines par les Allemands a été systématique, ce qui rend la reprise
difficile. Elle se produit cependant, en partie grâce aux indemnités de
guerre versées par les Allemands. Le nombre de nouveaux modèles
développés par l'entreprise CHABOCHE est plus réduit avec les modèles à
bois B3 en 1924 et B4 en 1925. La production pour la période est aussi
plus faible avec 140 000 exemplaires. La période est aussi celle de
l'Art déco que l'on retrouve dans les salamandres et dans les poêles
concurrents. Le meilleur représentant de cette période est le poêle DEVILLE Cheminée Optima N° 550 :
■ La période 1925-1953
C'est la période de la fin des poêles de type salamandre. Contrairement
à la première guerre mondiale, la seconde guerre mondiale n'a pas été
une catastrophe pour le marché des salamandres et des poêles
concurrents. Le nombre de nouveaux modèles est en forte augmentation :
Modèles T.A.M.2 en 1925, T.A.M.3 en 1926, Tritonia et D2 en 1931, Minim
et Fanchon en 1932, Y, Kritos, Mega-Kritos et Régional en 1934,
Capitale en 1939, Néo-Kritos et Mega-Kritos (version 2) en 1945. La
production annuelle diminue encore avec 240 000 exemplaires sur 28 ans.
La fin des poêles en fonte se fait progressivement avec la montée en
puissance des chauffages centraux et/ou électriques. Cependant le style
des poêles comme celui des cuisinères continue à évoluer et tend vers des lignes sans courbure,
dites ultra-modernes dont le meilleur représentant est la salamandre
Capitale :
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